Histoire de Montdidier

Livre I - Chapitre VI - Section II

par Victor de Beauvillé

Section II

Louis XI rachète la ville

Guerre du Bien public

Montdidier se rend au comte de Charolois

Bataille de Montlhéry

Événements dont elle fut suivie

 

Les événements qui suivirent les premières années du règne de Louis XI furent plus désastreux encore que ne l'avaient été ceux des règnes précedents. A peine sur le trône, le roi employa tous les moyens pour recouvrer les cités engagées à Philippe le Bon par le traité d'Arras. Au mois d'octobre 1463, les 400,000 écus stipulés pour le rachat des villes sur la Somme et de Péronne, Montdidier et Roye, furent payés au duc de Bourgogne ; Montdidier rentra alors sous la domination royale, dont il était séparé de fait depuis quarante-cinq ans. Le gouvernement de cette cité et des villes situées entre l'Oise et la Somme fut laissé au comte d'Étampes.

La restitution de ces places s'était opérée contre la volonté du comte de Charolois, fils de Philippe le Bon ; aussi refusa-t-il de paraître aux fêtes données dans la ville d'Hesdin par le duc son père, à l'occasion de la réalisation du traité d'Arras. Le mécontentement qu'il en éprouva ne tarda pas à se manifester d'une manière plus énergique, et la guerre dite ironiquement du Bien public fut le résultat d'un froissement d'amour-propre.

Au mois de mai 1465, le comte de Charolois quitta Bruxelles, et prit avec son armée le chemin de Paris. Le 6 juin, il passa la Somme à Bray ; Nesle et Roye lui ouvrirent leurs portes ; Montdidier en fit autant, et se rendit le 11 de ce mois à Antoine, bâtard de Bourgogne. Hue de Mailly, seigneur de Bouillencourt, commandait dans notre ville : c'étoit un chevalier hardy et vaillant, lequel avoit tousjours tenu le party de Bourgongne, et aussi en demoura-t il capitaine du gré de tous ceux de la ville : laquelle ville aussi avoit tousjours tenu ledit party de Bourgongne. (Monstrelet.) Pour remercier les habitants de l'empressement avec lequel ils s'étaient soumis à son obéissance, le comte de Charolois leur continua l'octroi de deux sols parisis sur chaque minot de sel, que leur avait accordé le comte d'Étampes ; les religieux du prieuré participaient à cette faveur, à la condition de réparer et d'entretenir la portion des fortifications qui était à leur charge. Cet octroi devait durer dix ans, à partir du 1er juillet suivant ; les lettres confirmatives furent expédiées à Roye le 12 juin 1465. (Pièce just. 36.)

Le 16 du même mois, le comte de Charolois, étant encore dans cette ville. Nomma aux fonctions de procureur general es dites villes, prevosté et chastellenies de Roye et Mondidier, maître Georges Duret, son bien amé soliciteur de causes à Paris ; le préambule de l'acte de nomination est une preuve formelle de la facilité avec laquelle le duc était rentré dans la possession des places qui avaient été cédées à son père : Charles de Bourgongne, etc. Comme les villes de Roye et de Mondidier se sont nouvellement rendues et mises en nos mains et obeissance et ainsi qu'il nous appartiengne de pourvoir aux offices d'icelles à nostre bon plaisir, savoir faisons, etc.

Louis XI, en rachetant les villes engagées par le traité d'Arras, avait commis la faute d'y laisser les gouverneurs nommés par le duc de Bourgogne. Hue de Mailly, notre capitaine, avait été investi du commandement par le comte d'Étampes, en 1450 ; depuis quinze ans il avait constamment aidé ce seigneur dans toutes ses guerres, et il n'est pas surprenant qu'il ait montré peu de zèle pour le service du roi ; son affection était tout acquise aux Bourguignons.

Le comte de Charolois savait s'y prendre à merveille pour faire rentrer sous son obéissance des villes qui en étaient sorties depuis moins de deux ans : partout où passaient ses troupes, elles observaient la discipline la plus rigoureuse, et ne prenaient rien sans le payer exactement. Le comte n'était point avare de belles paroles : à Roye et à Montdidier, il avait annoncé qu'il abolissait les impositions, subsides, quatrièmes et autres exactions ; aussi le peuple était-il dans l'enchantement. De pareils moyens coûtent peu, et réussissent toujours ; mais il est difficile de tenir ces promesses.

Le résultat de la bataille de Montlhéry (16 juillet 1465) fut pendant quelques jours le sujet de mille versions différentes. Le bruit courut que Charles le Téméraire avait été défait, qu'on ne savait s'il était mort ou prisonnier. Ces nouvelles furent transmises par le gouverneur de Montdidier au duc de Bourgogne, alors à Bruxelles. Craignant l'effet que ces rumeurs pouvaient produire, Hector de Saveuse quitta Corbie, où il tenait garnison, et se mit à parcourir le pays, cherchant à lever des hommes pour le comte de Charolois. Le seigneur de Mouy, qui commandait pour le roi à Compiègne, croyant à la défaite des Bourguignons, réunit les garnisons de Creil, de Senlis et de Clermont, et assiégea Pont-Sainte-Maxence, qui se rendit au premier assaut ; il se présenta ensuite devant Roye, où se trouvait le seigneur du Fay. Repoussé de cette ville, il s'éloigna, menaçant de revenir bientôt avec des forces supérieures. Les habitants de Roye et de Montdidier dépêchèrent promptement vers le duc de Bourgogne, le suppliant de les secourir ; Saveuse s'empressa de leur envoyer l'élite des troupes qu'il venait de rassembler. Les Français, avertis de l'arrivée de ces renforts, n'osèrent se présenter. Les troupes qu'Hector de Saveuse avait fait entrer à Montdidier, voyant que leur présence était inutile, se réunirent aux gens de guerre que le comte de Charolois avait expédiés à grande compagnie à Mondidier pour guigneur seureté sous la conduite du seigneur de Hautbourdin, et allèrent joindre à Conflans l'armée des princes, escortant l'argent que le duc de Bourgogne faisait passer à son fils pour payer les frais de la guerre.

Le comte d'Étampes était encore de droit seigneur de Montdidier, mais la guerre du Bien public détruisit entièrement sa puissance. Forcé de quitter Péronne, il se réfugia à Compiègne ; la comtesse sa femme, qui avait été faite prisonnière à Roye, obtint ensuite des Bourguignons la permission d'aller rejoindre son mari.

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