Histoire de Montdidier
Volume III - Pièce justificative 105
par Victor de Beauvillé
Pièce justificative 105
Chy sensuit la teneur de la règle et bulle ordonnance de la religion monseigneur sainct Jehan Baptiste de Mondidier translatée de latin en franchois, faicte par Ricart par la grâce de Dieu évesque d'Amiens.
A tous ceulx qui cestes presentes lettres verront ou orront, salut, en Nostre Seigneur. Comme d'office de pasteur nous soions tenus de veillier continuellement sur le peuple à nous baillé en garde par quoy nos sommes débiteurs à tous en Jésus-Christ, principallement nous devons pourvoir aux personnes de religion qui ont renoncié au monde et au faitz de celluy monde par les veulx qu'ilz ont fais et par l'abit de la religion quilz ont pris par dehors pourquoy ils sont loiés et estrains du lien d'obédience, en ensuivant Jesus-Christ et la foy priant par bonnes œuvres par dedens et par dehors. Pour ce nous inclinans à vostres bonnes et justes requestes par agriable consentement du maistre freres et sœurs d'icelluy Hostel-Dieu et sainct Jehan-Baptiste, confermons et enjoignons à perpetuité de nostre auctorité pontificale la rigle et l'ordre que vous avés prins de votre franche voulenté par l'abit de religion, et establissons pourveument pour le proufit de vostre maison aulcunes choises de nouvel et y adjoustons aulcuns articles de rigles anciennes de Sainct-Augustin et des aultres rigles de sains pères et aultres institutions aprouvées des sains ordres, et ad ce nous le vous enjoignons en la remission de vos péchés. Et pour ce que la maison ne soit trop chargée oultre mesure par le multitude de frères et sœurs habitans en icelle, nous establissons et ordonnons que oultre ung frère avecque le maistre de tel age qu'il soit ydonne et convenable à celebrer et administrer les choises divines en icelle maison ung clerc pour servir et quatre sœurs religieuses quelles soient telles et sy fortes que puissent faire les dictes offices et besongnes de la maison souffisamment et celuy nombre y porra estre receu. Toutteffois que homme ou femme devera estre recheupt en la dicte maison il soit esprové en l'abit du chiecle en la manière a coustumée ung an, et l'an passé le ordre et rigle de la maison à luy dite et exposée devant les freres et sœurs, et ce il luy plet à demoure et samblement à ceulx de la maison il soit recheupt en colliege du consentement de l'université du maistre freres et sœurs ou de la plus saine partie, en promettant de garder l'ordre de la dite maison. Et au reste celuy ou celle fera humblement trois veulx : cest assavoir : veu d'obedience, veu de casteté, veu de renonciation de proprieté en promettant loiallement que celuy ou celle ne retiendra ne hara ne donnera riens à aultruy sans licence de son maistre commandeur, et adoncques soit rechus les genoulx fléchis humblement en baiser de paix. Toutteffois nul ne nulle ny soit recheups mariés avec se femme ne femme avec son mary soient oncques recheups ensemble en ceste religion.
Chy sensuient les commandemens de la règle.
Aimes Dieu et gardes ces commandements, Dieu soit ame de vous sur touttes choises, habités tous ensamble d'ung corage et d'une voulenté en maison de paix. Et soit en vous ung une ame en Dieu : Et ne dictes mie aulcunne choise propre vostre, mais soient à vous touttes communes. Et soient distribuées de vostre maistre à chacun vivre et vestemens non mie égallement à tous ainssy à lung comme à l'autre, car aulcunne fois l'ung est plus enferme ou debille que l'autre mes selon la sentence des fais des appostres à chascun ce que mestier luy sera selon le pouvoir de la maison. Se aulcun homme ou femme veult entrer en ceste maison il sera en l'abit du chiecle acoustumé par ung an et l'an parfait et passé se la maison luy plaist et le conservation soit telle que elle ne doie estre reprouvée ne refusée il ou elle soit recheupt en la congrégation et compaignie du maistre et des sœurs. Et ainchois qu'il soit vestu ou elle il jurera que par luy ne par aultruy n'a donné ne promis ne donnera ne deshonneste service n'a fait ne fera par le quel il ait esperé à avoir l'entrée de ceste maison le mengier ou disner que lon a acoustumé de faire en telle entrée nulz ne le requiere comme debte mais il soit fait à le voulenté de celluy ou celle qui est recheu. L'ung des freres pretres soit eslut en maistre par commun assent ou consentement du chappitre ou de la plus saine partie, au quel tous et touttes obeissent en Jésus-Christ et neaumains icelluy maistre sera tenu dobeir à l'evesque comme en Nostre Seigneur : du conseil du maistre et de la plus saine partie du chappitre soit eslut ung procureur qui traitera des forainnes et gardera les deniers ce à ce faire est convenable. En ensuivant le maistre du conseil de freres et sœurs establisse une des sœurs le quel il verra plus convenable et ydonne que deseure soit as sœurs et filles qui les instruisse et endoctrine au service des povres et icelle pourra parler à le table des choises necessaires de la maison peu et en bas. L'on comptera six fois l'an de despens et de touttes receptes devant le maistre et le conseil de la maison. Le maistre et le procureur ne faissent aulcune grant choise sans le commun conseil de la maison comme de vendre de acheter ou d'alliener héritaiges ou aulcun ou aulcune recevoir en frere ou en sœur. Quiconques saura les heures canoniales soit clerc ou lay si les die aux heures establies especiallement les prêtres touttes voies on pourra estre dispensé au conseil du maistre des heures establies avec les autres choises. Qui sara les heures Nostre-Dame frère ou sœur et les die ; qui sara les sept psalmes seulement si les die pour matines et dira au commenchement Pater noster. Ave Maria. Et puis dira. Deus in adjutoriummeum intende. Domine ad adjuvandum me festina. Gloria Patri, et Filio, et Spiritui sancto. Sicut erat, etc ; et en la fin des sept psalmes il dira : Kyrie eleison, Christe eleison, Kyrie eleison et Pater noster, et Per Dominum nostrum Jesum Christum Filium tuum qui lecum (vivit) et regnat Deus per omnia sæcula sæculorum. Amen. Domine exaudi orationem meam, et clamor meus ad te veniat. Benedicamus Domino. Deo gratias. Fidelium animæ per misericordiam Dei requiescant in pace. Amen. Et qui ne scara fors que le Miserere mei Deus secundum, si le die sept fois pour matines tout en la maniere que dit est des sept psalmes.
Ceux qui sairont hors leurs sept psalmes et leur Miserere, ils diront le Miserere pour prime pour tierce, pour midi, pour none, pour vespres, pour complie, pour chascune des VI heures leur Miserere mei en la maniere que dit est de matines. Et qui ne saira fors que le Pater noster et Ave Maria si lez die pour matines XXV fois et pour les VI aultres heures VII. Et ceulx diront davantaige pour matines, pour vespres, et pour complie, Credo in Deum a chacune des trois heures dessus dictes. Chascun le garde que il ne parle ne entrecope les oraisons dessus dictes. Et sil le fait si sen confesse. Qui ne saira le Pater noster et Ave Maria, le Credo et le Miserere, si l'aprengne au tamps de l'espreuve. Pour les freres et sœurs qui trespasseront chascun de la maison paie trois messes, trois vigilles à IX leçons, trois commandasses, le clerc convers ung psaultier : les convers et les converses qui sairont leurs sept psalmes si les dient sept fois ; qui ne saira fors que le Miserere si le die cincquante fois : qui ne saira fors que le Pater noster si le die cent et cincquante fois. Nul ne parle en l'oratoire ou esglise de la maison fors de ce qui appartient à l'office de l'esglise et avec les estrangers peu et en bas en laquelle oratoire soit tous les jours lumière devant le corps Nostre Seigneur. Nul ne parle ès dortoirs après complie, fors le maistre la maistresse ou ceux à qui ils le commanderont avec les hostes. Nous voulons que tous et touttes s'en voisent couchier en ung tamps fors ceulx ou celles que ont les offices ou charges de veiller les malades. Chascunne sepmainne soit tenu chappitre le jour que le maistre verra le loisir et pourfit. Chascun et chascune preigne par chascune semaine une seule discipline ou secrete penitence non pas par presumpsion ne par folle hardiesse mais par bonne voulenté et charité et du conget et licence du maistre. Quant le maistre tient chappitre chascun et chascune accusera l'un l'autre se cause raisonnable y a, non mie par haine, mais par amour de justice et de fraternelle dilection. Et se l'acusé prent l'acusation faicte contre luy en impascience, il en soit acusé dicelluy ou celle qui s'en percevra au sequent chappitre, et sur celle offence soit punis. Des offences du maistre sera traité fors de chappitre. Qui revelera les secrets du chappitre et de la maison et qui soit sur ce convenus, il sera excommuniés et la paine de la excommunication est telle : il ou elle mengera à le terre pain et eaue avec potage seulement ; jusques à tant qu'il ara faite satisfation à le voulenté du maistre nul ne parle à luy fors celluy ou celle que le administre eu que pour la necessité de son corps ou de son ame y sera envoié. En suivant les pennitances qui pour les offences sont en joinctes cest ordre sera gardé. S'il est pretre ou clerc il soit pugnis devant les pretres et clercs : cy frere lay devant tous les pretres et les freres, et ce c'est femme soit pugnie devant les sœurs selon le meffait. Les anciens hors usaige de raison ne seront tenus venir en chappitre ; les confessions des sains soient recheuptes au plus apparant lieu du moustier entre le soilleil levant et le soilleil couchant. Les hommes et les femmes soient divisés au mengier et au dormir. Nul homme n'entre au dortoir des femmes ne les femmes au dortoir des hommes saus la licence du maistre. Les freres dormiront en brayes et en chemises et les femmes en chemises religieusement. Nuls estrangés ne dorment au dortoir des pretres s'il n'est pretre ou clerc et de honneste vie et bonne renommée. Au dortoir des freres lais clerc ou lay de bonne vie y dorment de la licence du maistre. Ne au dortoir des sœurs fors femmes de honneste vie et bonne conversation. Anchois que les malades soient rechus qu'ilz soient confessés ett s'il est besoing communiés religieusement. Et puis il ou celle soit mené à son lict et la soit servi chacun jour charitablement comme le frère de la maison, anchois que les freres et sœurs dignent ou mengent. Et tout ce qu'ils desirent s'il poeult estre trouvé et il ne luy est contraire baillé selon le povoir de la maison jusques à ce qu'il soit retourné eu santé. Et affin que auculns restitués en santé ne reuquissent en maladie par trop lever, il soit soustenus par sept jours en la maison cy il luy plaist et non plus. Les malades ne soient jamais sans garde que les veille songneusement : les malades de la maison soient veillés et songnés en boire et manger selon le povoir de la maison et de l'ordonnanche du Maistre selon que mestier leur sera. Le dimanche le mardi et le joeudi les freres et sœurs pourront menger cher en tamps convenable. Et se les solempnités du Noel, de la Circunsision, de l'Assomption de Notre Dame, de Toussains, de sainct Jehan Baptiste la Dedicasse du lieu estoient en lundi ou en mecredi ils pourroient menger cher, les aultres jours sen abstiennent continuellement. En couvent les freres et les sœurs aient potaige et après ung seul mes, et si pourront avoir à le fois du fromage, du fruit, des herbes crues et telles choises semblables. Et si aront mesure de vin ou de cervoise ou d'aultre brevaige selon que le maistre et le conseil de la maison verront le profit et selon le tamps, chacun se garde d'aporter à le table choise quelte ne soit de partie en general : une sainte leison soit leute par chascun jour au disner au refretoir là où nul ne parle fors le maistre et adoncques peu et en bas. Nul ne nulle sera tenu ne loyes faire silence hors de la maison : silence soit tenue en granges, en refretoir, à table en la sale. Quant les freres et sœurs mengeussent la maisnie et ovriers ne soient mis avec. Les frères et sœurs userons d'abis acoustumés et sy pourront les pretres porter houches caperon court et sarrots de lin, les houches jusques à genoux et les sarrots plus longs. Aux sœurs habis de religion comme len a costume et sarros blancs selon le povoir de la maison : le linge soit distribué à chascun selon la dispousition du maistre et povoir de la maison, quiconcques vouldra prendre nouveaulx vestemens ou chaucemens li rende les vielx. Nulz aille hors le maison ne de la ville sans l'abit religieulx, ne sans compagnie à luy baillé et ordonnée du maistre ou son lieutenant, ne oultre les termes à luy ordonnés du maistre à tous jours en habit de ceste religion. Le maistre porra des observations devant dictes dispenser aux freres et aux sœurs quant il verra le profit de la maison. Se aulcun frere ou sœur mect la main injurieusement contre son frère ou sœur par violence, celluy ou celle junera par sept jours continuels et mengera à le terre nue et apres ce se porte comme pour excommunié ou excommuniée jusques à tant que celuy ou celle sera absoulz de celuy que absouldre le peult. Et en dedans il ou elle soit evités et fuitz de tous selon le permission de droit canon. Se aulcun frère ou sœur blechoit ou espandoit sang à son frere ou sœur laidement par cruaulté, ou malice il soit bouté hors de la maison ou il soit pugnis tres griefvement à le voulenté du maistre et par le conseil de la maison. Se aulcun frere ou sœur a proprieté en sa mort et ne l'ait monstré ou revellé au maistre en son vivant, nulz service divins soit fait pour luy mais soit ensevelis comme excommunié ou excommunieé. Et qui hara proprieté en sa vie et soit trouvée en la pocession oultre le sceu du maistre, il ou elle fera penitence par quarante jours continuelz mengant à terre chacun jour et en dedens le dis quarante jours junera tous les vendredis en pain et eaue. Et il ou elle qui fait homicide, ou arsin, ou larresin, ou adultère, ou sodomite et il ou elle en soit convaincus ou prouvés il ou elle soit boutés hors de la maison.
Ces choses dessus dictes sont establies et ordonnés en telle maniere que ce nous veons le profit et te requeste d'iceulx de la maison il nos y loit ou plaist adjouster ou soustraire ou muer.
Ceste page de nostre institution et ordonnance, Nous enjoingnons et commandons estre gardée sans enfraindre en perpetuité de l'auctorité de Dieu tout puissant, de le glorieuse vierge Marie, sainct Jeban-Baptiste, tous saincts et touttes sainctes de paradis, et de la nostre Paine d'excommunication. Donné Amiens, lan de grace mil deulx cens et sept au mois de juillet.
C'est la teneur de la confirmation et permission et auctroy de nostre sainct père le pape de la rigle de scens translatée de latin en franchois et d'avoir église et oratoire pour les choses divines, recepvoir et biens temporels, tenir possesser pour le temps present et advenir sans charge de conscience.
Innocens pape troizieme, souverain evesque des evesques, serviteur des serviteurs de Dieu, à nous amez fils les maistres freres et sœurs de l'Hostel Dieu et sainct Jehan Baptiste des poures malades de Mondidier, salut et nostre benediction apostolicque. Nous adjoustons voulentiers la fermeté de nostre et confirmation appostolicque au choises que au service divin et pour œuvres de misericorde et de pitié sont establies pourvuement et saigement à ce que elles ainssy garnies de notre aide demeurent entieres et servies. Et comme Richart de borine memoire, adoncques evesques d'Amiens, vous ait ordonné et estably par rigle et par ordre tout l'estat par lequel vous debves vivre et gouvergner en vostre religion, et tout ainsy qu'il est contenu et declairé ès lettres dudit evesque d'Amiens, avec ce que aies lieu oratoire ou esglise pour les divins offices et services exercer et recevoir pour vous et vostre famille et poures malades, vous biens que apresent aves et que au tamps advenir avoir pourres puissies tenir et possesser sans charge de conscience justement acquis et tous estatus honestables et profitables pour la dicte maison. Nous inclinans à vostres postulations et requestes, le vous octroyons par aggréable assentement et confermons de nostre auctorité appostolicque les estalus, vostre ordre, vostre rigle dessus dicte, et les garnissons du patrotive et haide de cest present escript, ainsy quilz sont faictz saigement pourvuement. Parquoy il ne loit à aulcun ou aulcune de vostre religion enfraindre ceste presente page de nostre conflrmation ou aller au contraire. Et se aulcun y aloit ou attemptoit par fol enhardissement ou par presumption, saiche vraiement luy estre encoru l'indignation de Dieu tout puissant, des benois appostres sainct Pierre sainct Pol et la nostre. Donné à Romme, à sainct Jehan de Latran, le troiziesme kalendes de febvrier le douziesme an de nostre pontificalité, qui fut l'an de l'incarnation Nostre Seigneur mil deux cens et saize.
Innocent III étant monté sur le trône pontiflcal le 8 janvier 1198 : cette bulle, ayant été donnée la douzlème année de son pontificat, est donc de 1210 , et non de 1216, comme le porte la copie.
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