Histoire de Montdidier

Livre IV - Chapitre II - Section XLIII

par Victor de Beauvillé

LENDORMY (Antoine-Joseph-Victor) naquit le 9 mai 1754 ; il était fils de Paul-Félix-Lendormy, apothicaire, et de Marie-Madeleine Trudelle : depuis près de quatre cents ans sa famille exerçait la médecine et la pharmacie à, Montdidier. En 1764, Lendormy fut envoyé à Paris ; après avoir terminé ses études au collége du Plessis, il entra en 1770 comme élève en pharmacie aux Invalides, et étudia la botanique, la chimie et la pharmacie sous Parmentier, son parent ; en 1772, il obtint au concours la place d'aide major-chirurgien de l'hôtel. Avant de se livrer à la carrière dans laquelle il devait plus tard se faire une réputation méritée, Lendormy s'adonna à la chirurgie, et suivit pendant neuf années les leçons de Sabathier ; il se fit ensuite recevoir médecin à Reims, et, en 1782, docteur-régent de la Faculté de médecine de Paris.

« D'après un ancien usage, un des membres de la Faculté de médecine était chargé de haranguer chaque année, en latin, le parlement de Paris. M. Lendormy reçut cette mission honorable. On écouta le jeune orateur avec l'attention que commandent les choses peu ordinaires ; on fut étonné de trouver toute la force et la gravité antiques au milieu des fleurs de la jeunesse que la figure animée du nouveau docteur peignait si bien. (Demaux.) »

Les talents de Lendormy semblaient devoir le fixer à Paris, mais sa santé et plus encore la piété filiale le rappelèrent à Montdidier. Une épidémie qui désolait Royaucourt lui servit à déployer ses connaissances : grâce à ses soins, les habitants furent arrachés à une mort presque certaine. Lendormy fut successivement médecin de l'hôpital de Montdidier, médecin en chef des armées de l'Intérieur, du Nord, d'Angleterre, et de l'hôpital permanent d'Amiens, place qu'il occupa jusqu'à la suppression de cet établissement. Il avait quitté sa patrie pour venir se fixer dans cette ville en 1793, et d ne tarda pas à y tenir le premier rang ; aimé et considéré de ses confrères, il inspirait aux malades une confiance absolue.

Lendormy fut un des plus ardents propagateurs de la vaccine ; des milliers d'individus lui durent la vie. Chargé du service des épidémies, il s'y consacra avec un zèle à toute épreuve. Une fièvre putride ravageait le village de Vignacourt, Lendormy s'y rendit sans hésiter ; mais cette fois la maladie ne devait pas l'épargner, et au bout de dix-sept jours il succombait, victime de son devoir, le 26 septembre 1802. Par une distinction qui n'avait encore été accordée à personne, sa dépouille mortelle fut exposée dans le chœur de la cathédrale, que l'on avait décoré avec une pompe extraordinaire. Lendormy avait épousé, en 1783, mademoiselle Morel : deux filles furent le fruit de cette union. Dévoué pour ses malades ; plein de tact et de mesure ; miséricordieux, suivant l'expression de M. Clausel, archidiacre d'Amiens ; observateur habile et praticien exercé, Lendormy joignait aux connaissances qui distinguent le médecin, les talents du littérateur et la politesse de l'homme du monde.

Il était médecin en chef des hôpitaux civils et militaires, membre de la Société de médecine de Paris, de celle de pharmacie de la même ville, correspondant de la Société d'agriculture du département de la Seine, médecin en chef des épidémies du département de la Somme, président de la Société médicale du même département, secrétaire perpétuel de l'Académie d'Amiens, membre du jury d'instruction pour l'École centrale, de plusieurs académies et sociétés savantes.

« Les objets d'économie rurale ne lui étaient pas étrangers, » écrit Parmentier, « et l'ancienne Société royale d'agriculture de Paris le comptait parmi ses collaborateurs les plus distingués. Il a fait des expériences sur la cameline, plante cultivée dans le département de la Somme, et a obtenu quelques résultats qui lui faisaient croire que si, avant l'extraction de l'huile, on laissait macérer la graine dans une lessive alcaline, il serait possible de parvenir à l'améliorer.

Les oiseaux ne sont pas non plus exempts de maladies contagieuses. Il a remarqué que la cause qui a ravagé, il y a quinze ans, les colombiers des environs de Montdidier, dépendait en partie des cendres rouges vitrioliques employées comme engrais, et que le pigeon avalait par prédilection pour tout ce qui est salé ; d'où il résulte nécessairement un désordre dans l'économie animale.

Il avait envoyé à la Société d'agriculture des vues sur la construction d'une ferme ; il m'a fourni beaucoup de notes extrêmement savantes sur l'examen du sang des malades, etc., pour ma Pharmacopée des hospices civils, etc., et mon Économie rurale et domestique de la Bibliothèque des dames. »

Outre ces travaux, Lendormy a composé plusieurs mémoires manuscrits conservés dans les archives de l'Académie d'Amiens :

Mémoire sur l'allaitement dangereux des enfants abandonnés, 15 germinal an viii.

Mémoire sur l'épidémie qui règne à Montagne, 29 germinal an viii.

Extrait de l'éloge philosophique de Diderot, par Eusèbe Salverte, 29 nivôse an x.

Analyse du mémoire de M. Rivier sur l'agriculture de l'Égypte, 16 germinal an x.

Mémoire sur l'établissement d'un hospice pour élever les enfants trouvés, et sur la nécessité de prendre des précautions pour empêcher la communication aux nourrices des enfants trouvés, du virus vénérien dont plusieurs sont infectés.

Ce mémoire fut présenté en 1788 à l'assemblée départementale de Montdidier : il est conservé aux archives du département de la Somme.

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