Histoire de Montdidier

Livre III - Chapitre I - Section III

par Victor de Beauvillé

Section III

Le prieuré de Maresmontiers est réuni à celui de Montdidier

Nombre des religieux

Situation du couvent

Détails sur sa construction

Tracasseries suscitées aux Bénédictins

Le prieuré est démoli et reconstruit

 

En 1739, le personnel du prieuré de Saint-Pierre et Saint-Paul de Maresmontiers, près Montdidier (Sanctus Petrus de Morando) fut réuni à celui de Notre-Dame. Le prieuré de Maresmontiers avait pour patron le prieur de Saint-Arnoul de Crépy ; ses revenus, qui s'élevaient à 2,000 liv. en 1648, étaient réduits à 380 livres. Dans les premiers temps, cette maison était composée d'un prieur et de deux moines, mais elle avait fini par être complétement abandonnée ; le dernier prieur titulaire de Maresmontiers (1790) fut D. Royer, religieux de Cluny. Saint Morand, patron du couvent, était moine et disciple de saint Hugues, abbé de Cluny.

Le prieuré de Montdidier devait, en vertu de cette réunion, être augmenté d'un religieux ; en conséquence, de cinq (nombre fixé par les supérieurs), le personnel des moines fut porté à six ; anciennement ils étaient douze, non compris le prieur, qui faisait le treizième, en souvenir des treize chanoines du chapitre de Saint-Augustin, que les Bénédictins avaient remplacés en 1130. Depuis le seizième siècle, ce chiffre fut rarement atteint ; en 1501, il y avait neuf religieux et trois novices ; en 1591, cinq religieux et quatre novices. On ne comptait que quatre moines en 1638, cinq en 1785, et en 1790 ils n'étaient plus que deux, le prieur D. Bertrand et le procureur D. Despinay ; cette diminution était causée par les travaux de reconstruction que l'on exécutait au prieuré.

Les couvents étaient condamnés à subir la loi inexorable du temps ; quand même l'Assemblée nationale n'aurait pas prononcé leur suppression, beaucoup auraient été fermés nécessairement, faute de moines pour les habiter ; la Révolution ne fit que hâter l'instant de leur fermeture : le nombre des sujets qui prenaient l'habit ecclésiastique allait toujours en diminuant, et l'on peut dire, sans crainte de se tromper, qu'il y a soixante-dix ans les couvents étaient presque vides de religieux.

Le prieuré de Notre-Dame comprenait l'espace occupé par le palais de justice, la promenade et le collége. Le palais de justice, comme l'on sait, servit, jusque dans le quinzième siècle, de logement au prieur qui se rendait à l'église par une porte pratiquée dans le pignon de la salle d'audience, et que l'on voyait encore en 1710.

Au midi, le prieuré était entièrement isolé et séparé de la ville par un fossé avec pont-levis ; au nord, les fortifications lui tenaient lieu de clôture ; le soir, on fermait la porte qui se trouvait à l'extrémité de l'arcade de la Salle du Roi, et toute communication était interrompue entre la cité et les moines ; jusqu'en 1851, on remarquait, du côté de la promenade, la butée du cintre qui surmontait cette porte. Entre la Salle du Roi et l'église il existait un passage conduisant à une autre porte qu'on avait ouverte sur la campagne en 1503 ; le maire et le prieur en avaient chacun une clef.

Le couvent se trouvant, par sa situation, exposé aux attaques de l'ennemi, les religieux furent obligés plusieurs fois de l'abandonner pour se mettre en lieu de sûreté. Les murailles du jardin étaient entourées de fossés et garnies à chaque angle de petites tours ; mais ces moyens de défense étaient insuffisants, et, dans le seizième siècle, le couvent rentra dans le plan général adopté pour les fortifications de la ville. Les Bénédictins eurent alors fort à souffrir ; on s'empara de leur jardin ; un cavalier énorme, semblable à celui de Juvenssy, fut élevé derrière leur maison, qu'il dominait entièrement. En 1544, François de Vivonne, capitaine de Montdidier, ayant, comme nous l'avons dit, conçu le projet d'y bâtir une citadelle, prit une partie du terrain des moines, et le transforma en une esplanade qui devint plus tard la promenade du Prieuré ; son nom a contribué à perpétuer parmi nos compatriotes le souvenir des Bénédictins.

On a vu, au commencement de ce chapitre, que les religieux demeuraient originairement dans le château des comtes de Montdidier ; ce château ayant été rasé, on construisit, dans le treizième siècle, un couvent pour les Bénédictins. Les guerres des Anglais, au quatorzième siècle, l'endommagèrent considérablement ; il n'eut pas moins à souffrir de celles de Louis XI et du duc de Bourgogne. Adrien de Hénencourt tira la maison de la position misérable à laquelle elle était réduite. Ce prieur, l'un des hommes les plus distingués de la province, joignait à une instruction étendue un goût éclairé pour les arts, et la basilique d'Amiens présente à l'admiration publique des marques nombreuses de sa munificence. Il entreprit la reconstruction du monastère, et fit bâtir les deux corps de logis dont il se composait ; on y remarquait ses armes en divers endroits. Philibert de Baudreuil et Simon le Gay, ses successeurs, continuèrent son œuvre.

André Benoty, visiteur de l'ordre, étant venu inspecter le prieuré le 22 février 1501, rend justice au zèle et au talent de Philibert de Baudreuil, et s'exprime en ces termes : « Reperimus venerabilem patrem dominum Philibertum de Baudreuil, priorem modernum dicti prioratus, bonum in temporalibus et spiritualibus administratorem, ruinas antiquas tam in ecclesia quam in officinis et domibus dicti prioratus prosequentem et deffendentem. » (Pièce just. 100.) Les travaux avançaient. Dans un acte de visite dressé le 22 décembre 1508, par D. Jean de la Madeleine, prieur de la Charité, on voit que la salle du chapitre, le réfectoire et l'habitation du prieur étaient amplement garnis de toutes choses ; les granges avaient été rebâties, le dortoir était pourvu des objets nécessaires, et même de lits de plume. Les religieux vivaient en commun, et se servaient pour réfectoire d'une belle salle, bien ornée, faisant partie du logement du prieur ; il restait encore à relever un bâtiment où se trouvaient autrefois le réfectoire, la cuisine et un grenier ; la dépense était évaluée à 1,000 liv. au moins : le visiteur ordonne de consacrer à ces réparations une somme de 200 liv. par an. « Dormitorium est, competens in cellis et officinis necessariis ; sed in eo invenimus culcitras ex plumis. Capitulum et refectorium sunt competentia, necnon domus habitationis prioris, grangia et alia edificia, excepto ab una parte claustri, in qua antiquitus solebat esse refectorium cum coquina et horreo desuper, et non supersunt nisi muri, et est necessarium reficere etiam idoneum, quid vix posset fieri pro mille libris.

Religiosi vivunt in communi, et utuntur pro refectorio una aula pulchra et bene composita, quæ est de habitatione prioris ac una alia parte claustri. » (Pièce just 101.)

L'impitoyable visiteur proscrit les lits de plume, et ordonne de les remplacer dans le délai de trois mois par des matelas ordinaires : « Injunximus religiosis quod ex dormitorio dictas culcitras de plumis deponant, et illas infra tres menses in materatos commutant, quibus deinceps utantur. »

Coucher sur la plume au 22 décembre, est-ce donc un péché ? Aussi le visiteur, tout en proscrivant cette douceur, peu compatible avec les rigueurs du cloître, accorde-t-il cependant trois mois aux religieux pour changer leurs lits, et se conformer à la discipline monastique ; ces trois mois conduisaient les Bénédictins au 22 mars, à cette époque on n'a plus besoin de lits de plume. Les moines étaient excusables de se donner cette petite jouissance, on n'avait alors aucun autre reproche à leur faire : l'église, les ornements sacrés étaient en parfait état, chaque jour on chantait deux grandes messes, et le service divin se célébrait jour et nuit avec régularité.

La générosité des habitants vint au secours des moines. Colard Cauvel, seigneur de Carouge, fut un des principaux bienfaiteurs du prieuré, auquel, par testament, il laissa des biens considérables. Colard Cauvel avait épousé Agnès de Halloy, fille de Baude de Halloy, écuyer, seigneur de Bains, de Godainvillers et de Conchy. La terre de Bains passa entre les mains d'Antoine, frère de Baude de Halloy. Marié, fille d'Antoine de Halloy, épousa en premières noces Jean de Monchy, écuyer, avec lequel elle comparaît en 1505 comme dame de Bains ; elle se remaria en secondes noces avec Jean de Lancry, écuyer, qualifié seigneur de Bains en 1508, et dont les descendants possédèrent cette terre fort longtemps. Plusieurs actes sur parchemin, relatifs à ces différentes seigneuries et datés des années 1484, 1485, 1486, sont en ma possession. Colard Cauvel de Carouge avait trouvé dans la famille de sa femme des exemples de libéralité envers le prieuré. Le 28 février 1477, Baude de Halloy, écuyer, son beau-père, fonda dans l'église de Notre-Dame : « Trois basses messes les lundi, mercredi et vendredi de chaque semaine à toujours, l'une pour l'âme de feu bonne mémoire le roy Charles que Dieu absoille, l'autre pour le roi Louis XI que Dieu veuille préserver de tous inconvénients, et l'autre pour les âmes d'icelui deffunt, de ses père et mère et de tous ses parents amis et bienfaiteurs ausquels Dieu fasse marcy. » Il avait laissé 600 liv., à raison de 20 sous tournois par livre, pour l'acquit de cette fondation : biens et fondations tout a disparu, et il ne reste que quelques lambeaux de parchemin.

De pieuses devises en l'honneur de la sainte Vierge, à laquelle était dédiée l'église, se lisaient de toutes parts ; dans l'intérieur des cloîtres, au-dessous de sa statue, on remarquait cette inscription :

PARIO QUI ME PARIT.

D. Benoit Hennequin, prieur claustral en 1685, fit refaire à neuf le mur d'enceinte et la porte d'entrée ; la cour, beaucoup trop grande, fut diminuée au moyen d'un mur de refend ; les allées du cloître, auparavant de terre battue, furent baissées et dallées de pierre de Mortemer (1686). Ces cloîtres avaient une superficie de quatre-vingts toises carrées, et entouraient des quatre côtés un préau, ou petit jardin ; la portion attenante au dortoir fut démolie et reconstruite à neuf. En 1687, on exécuta des travaux considérables ; le bâtiment du dortoir, qui était en mauvais état, fut réédifié sur de plus grandes proportions. Au rez-de-chaussée se trouvait le réfectoire, long de trente-six pieds et large de vingt-deux ; il était éclairé par trois fenêtres ; deux piliers d'ordre dorique soutenaient la voûte, haute de quinze pieds ; près du réfectoire, et voûtée de même, était la salle du chapitre ; venaient ensuite la salle de dépense et les chambres des domestiques. Le dortoir, composé de huit cellules, était au premier étage. Un large corridor, éclairé à l'extrémité par une grande fenêtre donnant sur la campagne, régnait dans toute la longueur du premier étage ; les cellules avaient jour sur le jardin, qui occupait une partie de l'emplacement de la basse-cour du collége. La bénédiction de ce dortoir se fit avec cérémonie le jour de la Trinité 1688, par D. Henri de Beuvron, abbé de Moreuil.

Le bâtiment dont nous parlons était situé à l'endroit où nous voyons le réfectoire du collége. En face des cellules existait un cavalier où les gens du peuple allaient parfois commettre des actes fort peu décents, jusque sous les yeux des moines, qui réclamèrent à différentes reprises l'enlèvement de ce monticule. Le 3 décembre 1730, les religieux obtinrent de la ville et de l'intendant de Picardie la permission de le faire disparaître, à la charge d'en transporter les terres sur les allées du Prieuré ou dans leur propre jardin : mais cette obligation les mit dans l'impossibilité de profiter de l'autorisation qui leur était accordée. Plus tard, divers particuliers, entre autres une dame Cousin, ayant obtenu des concessions semblables avec la faculté de jeter les terres provenant des fortifications dans les fossés de la ville, les Bénédictins sollicitèrent la même faveur, et, le 30 avril 1750, intervint entre eux et la mairie un traité faisant droit à leur demande, moyennant certaines conditions énoncées dans l'acte.

Les religieux s'adressèrent à Jacques de Chauvelin, qui avait succédé, en 1731, à son père dans l'intendance de Picardie, afin d'obtenir l'approbation du traité conclu avec la ville ; mais ils furent contrecarrés par Martinot de Saint-Sauveur, subdélégué, devenu leur ennemi, disaient-ils, depuis que les Bénédictins de Saint-Arnoul de Crépy lui avaient ôté la recette qu'il faisait pour eux dans le Santerre. Il est curieux de suivre les démarches que les moines firent pour arriver à ce résultat si désiré. Il s'agissait de se rendre favorable Durieux, secrétaire de l'intendant. Le prieur et le procureur se mettent en campagne, et vont à Ételfay, puis à Fignières, à la recherche du doyen de Montdidier, connu pour être l'ami du curé de Courtemanche, lequel avait de l'influence sur Durieux. Le doyen dînait d'un côté et soupait de l'autre : delà, grande difficulté pour le joindre ; enfin on le rencontra. Les religieux s'étaient rendus auparavant au Forestel (1er septembre 1750), où se trouvait M. de Chauvelin, et, après avoir attendu une bonne heure et demie, ont eu enfin audience du sieur intendant, qui a paru, aussi bien que son secrétaire, prévenu contre lesdits religieux par le sieur Martinot, son subdélégué. Loin de se décourager, les Bénédictins s'adressent au maire, au lieutenant criminel, au président de l'élection, au receveur des tailles, à toutes les personnes qui portent intérêt à leur maison ; bref, ils tentent un nouvel effort auprès de M. de Chauvelin : « Le dimanche sixième du mois (septembre), à l'issue de nos vêpres, les PP. prieur et procureur ont été chez M. de Saint-Fussien chez qui dînoit M. l'intendant, qui leur a dit de retourner chez eux et que dans peu il se rendroit au prieuré : ce qu'il a exécuté à 4 heures du soir, accompagné des sieurs de Varennes, Boulet, de Saint-Fussien, de Cresmery, maire, du sieur Martinot, son subdélégué, et autres, lesquels étant entrés dans la maison ont vu le dortoir et quelques cellules, de là ont visité les bas, ensuite le jardin duquel ils sont sortis par la porte derrière l'église, pour se transporter sur le terrain, duquel endroit ayant yen le jeu de l'arc où pour lors on tiroit, ledit sieur intendant est descendu par le moyen d'une echelle pour tirer, et, après avoir tiré quelques coups, il a remonté et de là sur la butte ; et après avoir examiné de cet endroit les incommodités que cette butte nous causoit et le terrain en question ; enfin, après plusieurs discours inutiles et qui ne convenoient aucunement à ce dont il s'agissoit, et sans avoir égard ni à la justice de nos demandes ni aux inconvénients auxquels nous sommes souvent exposés, depuis que nous sommes établis dans cette maison, ce qui est constaté par le traité approuvé par M. son père en 1730, il a tiré de sa poche les papiers que nous lui avions donnés, et, adressant la parole à M. le maïeur, il lui dit : Monsieur, j'ai annulé et cassé votre concession pour vous apprendre à ne point accorder par la suite de pareilles concessions, lequel lui ayant répondu qu'il avoit approuvé celle qu'il avoit fait à madame Cousin qui étoit plus considérable : ledit sieur intendant a répondu, que c'étoit des gens et enfans de la ville et qu'il n'y avoit aucune difficulté de leur accorder de pareilles concessions, mais que les religieux n'étoient pour ainsi dire que des passe-volants, et après avoir lu son ordonnance écrite dès l'avant-veille, il donna les papiers à M. le maire pour les remettre au sieur Martinot ; à l'instant le père procureur lui dit : Monseigneur, parmi ces papiers il y a une pièce qui nous est essentielle, qui étoit la copie du traité de 1730, sur le champ il la détacha et la remit aud. procureur ; ensuite ledit intendant dit : Mes pères, quoique j'aye cassé et annullé votre concession je vous vendrai le terrain où il me paroit qu'il y a environ un arpent, M. de Saint-Fussien chez qui j'ai dîné, a offert pour une partie du terrain qui étoit à sa bienseance une somme qui faisoit monter l'arpent de terre suivant le terrain dont il s'agissoit à 60,000 liv. et ce qu'on lui demandoit le faisait monter à plus de 70,000 liv. ; mais pour moi, dit-il, je me restreins à la somme de 3,000 liv. pour le terrain que vous demandez ; le père procureur lui a répondu que la déclaration de Sa Majesté leur défendoit d'acquérir, sur quoi le sieur intendant a répondu qu'étant l'homme du roi il pouvoit vendre, ensuite étant descendu de lad. butte, il dit : Mes pères, vous sonnerez votre timbre, vous vous assemblerez et vous vous aviserez sur ma proposition ; et ensuite il dit : Il n'y a aucun de vous qui ne fasse un préjudice considérable à l'État parce que dans cent ans vous donneriez au moins deux cent et tant de sujets. Ainsi finit la scène. » Extrait du Registre capitulaire.

Il est probable que le dîner de M. de Saint-Fussien avait été excellent, et qu'il exerçait son influence sur les réponses de l'intendant. M. de Chauvelin venait tous les ans passer quelques jours au Forestel, dont le séjour lui plaisait infiniment. Quant à la malencontreuse butte, objet des réclamations des Bénédictins, elle ne fut démolie qu'au commencement de ce siècle : elle était placée derrière la porte de la basse-cour du collége.

Les bâtiments élevés par Adrien de Hénencourt et ses successeurs, et reconstruits à grands frais par Benoît Hennequin, disparurent entièrement dans le siècle dernier. Sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI, la manie des changements fit invasion dans les cloîtres ; les moines voulurent rajeunir leurs habitations et abattre leurs vieux couvents pour les remplacer par d'autres plus en harmonie avec les habitudes mondaines qui avaient pénétré dans les monastères. Corbie, Ourscamps, etc., étaient à peine terminés lorsque éclata la Révolution.

Le prieuré de Montdidier suivit l'entraînement général. Au mois de juillet 1784, le prieur claustral D. Jean-François Bertrand, obtint du supérieur de l'ordre, D. Étienne Lemoyne, l'autorisation de contracter un emprunt de 24,000 liv. pour rebâtir la maison ; cet emprunt fut réalisé du mois de septembre 1784 au 1er octobre 1786 ; neuf personnes en firent les fonds.

Les Bénédictins se mirent immédiatement à l'œuvre. Au mois de septembre 1784, ils jetèrent les fondements du pavillon de pierre qu'on voit dans la cour du collége, et qui était destiné à former l'entrée du nouveau prieuré ; à la fin de janvier 1785, on commença la démolition des anciens bâtiments, et au mois d'avril de la même année on posa la première pierre, à son de cloches et en présence de tous les ouvriers. Le prieur, revêtu de l'aube et de l'étole, et assisté des religieux au nombre de quatre, présida à la cérémonie. Pour perpétuer la mémoire de cet événement, on plaça à l'angle gauche du pavillon l'inscription suivante, gravée sur une plaque de plomb :

CUM PRIOR ESSET D. JOANNES FRANCISCUS BERTRAND, ET PROCURATOR D. LUD. FRAN. DESPINAY, D.D.D. GUILLEMUS COUPIGNI, JOAN. FRAN. GAUTIER, AMATUS GELIN, HUJUSCE MONASTERII MANSIONARII ; FUNDAMENTA HUJUSCE DOMUS DE NOVO JESSIT JOAN. BAPT. BERNARDUS MAINTENAY, AN. 1785.

Les travaux continuèrent sans interruption jusqu'en 1790, sous la surveillance du procureur D. Despinay, et près de 80,000 liv. avaient déjà été dépensées lorsque la suppression des couvents vint arrêter la reconstruction. Les Bénédictins n'étaient pas encore installés dans le nouveau bâtiment quand ils durent quitter le pays.

Le prieuré est solidement construit de brique et pierre : la façade principale, qui regarde le nord, a cent trente-neuf pieds de long ; elle est élevée d'un étage et percée de quatorze fenêtres rectangulaires ; le milieu de cette façade tout de pierre présente une légère saillie comprenant quatre fenêtres accompagnées de pilastres toscans, et couronnées par un fronton triangulaire où se développait un écusson armorié que l'on fit sauter à la Révolution ; ce fronton, sans faire une saillie très en relief, rompt cependant l'uniformité de la façade, qui n'a aucun ornement apparent. Sur la cour, le bâtiment est terminé par un pavillon formant avant-corps ; la façade méridionale est de pierre et percée au rez-de-chaussée de deux fenêtres et d'une porte cintrée, flanquée de deux pilastres de mauvais goût, qui donne accès dans le cloître. Au premier étage, une large fenêtre garnie d'un balcon surmonte la porte d'entrée ; elle est ornée de deux pilastres corinthiens faisant une légère saillie ; une fenêtre pratiquée de chaque côté correspond à celle du rez-de-chaussée. Un fronton triangulaire domine ce pavillon, qui produit un assez bon effet, bien qu'il manque un peu d'élévation. Le cloître était à jour ; il a été fermé depuis que la maison est convertie en pensionnat. L'esplanade du Prieuré ayant été relevée pour en faire une citadelle et ensuite une promenade, le couvent se trouva enterré ; on n'a pas remédié à cet inconvénient, et le collége est, au midi, plus bas que le terrain environnant.

Un bâtiment de quatre-vingts pieds de long sur seize de large, à l'usage d'écurie, de remises et autres dépendances, complétait l'ensemble du monastère. Pendant la Révolution, le prieuré servit de lieu d'assemblée au directoire du district et de caserne de gendarmerie ; en 1804, il fut transformé en collége, et c'est encore sa destination actuelle.

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