Histoire de Montdidier

Livre IV - Chapitre II - Section LVI

par Victor de Beauvillé

PAYEN ou DES PAYENS (Hugues), fondateur de l'ordre des Templiers, que quelques biographes prétendent originaire de la Champagne, et d'autres d'Italie, aurait, selon des mémoires concernant notre ville, reçu le jour à Montdidier. Par un rapprochement singulier, le prédicateur des croisades Pierre l'Ermite, et le créateur de l'institution appelée à défendre les conquêtes qui en furent le résultat, seraient nés l'un et l'autre en Picardie.

L'ordre des chevaliers du Temple, fondé à Jérusalem, en 1118, par Hugues Payen et Geoffroy de Saint-Oldemar ou Saint-Omer, fut confirmé en 1128, au concile de Troyes. C'est dans cette mémorable réunion que l'on dressa les règles destinées à assurer son existence. Les membres faisaient vœu de pauvreté, de chasteté et d'obéissance ; ils étaient chargés de veiller à la garde des Lieux Saints, et de protéger les pèlerins qui se rendaient en Palestine ; on leur donna le nom de Templiers, parce que Baudouin, roi de Jérusalem, leur avait assigné un logement dans son palais, près du Temple. L'accomplissement des vœux monastiques était bien difficile à concilier avec la vie militaire, et les trois conditions imposées aux Templiers ne tardèrent pas à être celles qu'ils observèrent le moins. On connaît l'histoire de cet ordre fameux, ses progrès, sa puissance, sa fin tragique. Les Templiers furent exterminés en 1312 : plusieurs chevaliers appartenant à des familles des environs de Montdidier furent enveloppés dans la proscription générale.

Une charte de Simon, évêque de Noyon, de 1130, donne lieu de croire que Hugues Payen était réellement de Montdidier. Dans cette charte, Simon accorde pendant un an à Hugues (Payen), maître des chevaliers du Temple, les revenus de certaines prébendes qui pouvaient devenir vacantes. L'acte est passé à Noyon, en présence de Geoffroy, évêque de Châlons ; de Bernard, abbé de Clairvaux ; de Guy, abbé de Troisfontaines ; de Galerand, abbé d'Ourscamp, et de Nivard dit Payen, de Montdidier, Nivardus cognomine Paganus de Mondisderio, miles Templo Domini devotus, cui Hugo, magister militum Templi, curam rerum suarum tunc temporis in partibus istis commiserat.

La similitude de nom a fait regarder Hugues et Nivard Payen, sinon comme frères, au moins comme proches parents. Nivard Payen étant de Montdidier, on en conclut, non sans quelque raison, que Hugues Payen devait être notre compatriote. Cette induction est corroborée par la circonstance que c'est à Nivard Payen que Hugues (Payen) confie, au début de son ordre, l'administration des biens qu'il possédait dans ce pays. L'épithète de devotus, appliquée à Nivard, indique le zèle ardent qu'il portait à l'institution dont il fut un des premiers membres.

Sébastien Roulliard, dans son Histoire de Li-Huns en Sang-ters, fait mention d'un Hugues Payen qui n'est pas le même que celui dont nous nous occupons. Cette indication a cependant une certaine portée ; le nom de Hugues se retrouvant dans nos environs vient fortifier l'opinion reçue dans le pays, que le fondateur de l'ordre des Templiers était originaire de Montdidier. Hugues Payen mourut en 1136. On peut consulter, à la fin du volume, la charte du douzième siècle, dont nous avons parlé. (Pièce just. 123.)

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