Histoire de Montdidier
Livre III - Chapitre IV - § II
par Victor de Beauvillé
§ II
CAPUCINS.
Les Capucins s'établirent à Montdidier au commencement du dix-septième siècle. Le 31 mai 1616, les maïeur et habitants consentirent à ce que les Pères vinssent se fixer dans la ville ; l'année suivante, deux échevins allèrent de maison en maison prendre note de la somme pour laquelle chacun voudrait contribuer au nouvel établissement ; enfin, le lundi de la Pentecôte, 5 juin 1618, sous la direction du P. Pascal, d'Abbeville, visiteur de la province, les Capucins plantèrent leur croix dans le faubourg de Paris, près du moulin à eau : l'affluence de monde accouru pour assister à cette cérémonie était considérable. Les habitants du quartier ayant fait quelque difficulté de les laisser s'y installer, les Capucins rentrèrent en ville, et achetèrent le terrain qui se trouve aujourd'hui compris entre la rue du Puits-de-l'Eau-Bénite, la rue des Capucins et la rue de la Mare. Cet emplacement était occupé avant eux par des maisons de peu de valeur, qui disparurent pour faire place au nouveau couvent.
L'église fut commencée le 14 septembre 1620, et terminée avant l'hiver de la même année : elle avait cent pieds de long sur trente-quatre de large. Marguerite de Gondy, veuve de Florimond de Halluin, marquis de Maignelay, et Anne de Halluin, sa fille, en posèrent la première pierre, par suite de l'empêchement de D. Charles de Cohorne, prieur des Bénédictins, qui avait été primitivement désigné par l'évêque d'Amiens pour remplir cette mission. L'église était décorée avec simplicité : il y avait un avant-chœur où se tenaient les moines ; sa forme élevée les dérobait aux regards ; on y remarquait les tableaux que l'on distingue à peine aujourd'hui dans le corridor du parquet du procureur impérial. C'est dans cette église que se disaient les prières des Quarante heures, à l'époque de la Quinquagésime.
Le couvent, commencé en 1621, fut achevé en 1627. Anne de Halluin, dont nous venons de parler, épouse de Charles de Schomberg, maréchal de France, paya de ses deniers une partie du terrain sur lequel était bâti le monastère ; elle fit faire et transporter de Maignelay toute la charpente de l'église : aussi ses libéralités la faisaient-elles regarder comme la fondatrice de la maison. Le 14 mai 1618, les Capucins prirent, à Péronne, possession de l'hôtel de Piennes, appartenant également à la maison de Halluin, et s'établirent dans cette ville en même temps qu'à Montdidier. Louise de Halluin, veuve de François de Brouilly, marquis de Piennes ; Charles d'Estourmel, seigneur de Plainville ; Félix Cauvel de Beauvillé, maïeur de Montdidier, firent, à différentes époques, du bien à cette communauté. Les Capucins ne vivaient que d'aumônes ; dans les premiers temps, les Bénédictins leur distribuaient plusieurs pains par semaine ; vers 1660, cette charité fut convertie en une somme de 12 livres.
Dans le siècle dernier, les Capucins étaient au nombre de douze ou quinze, braves gens, fort aimés dans la ville et accueillis avec empressement dans les châteaux ; lors des processions, ils ouvraient la marche et formaient l'avant-garde, précédés de leur petite croix : c'étaient eux qui portaient la châsse et les reliques des saints Lugle et Luglien. Le dernier père gardien, François-Marie, était un homme fort aimable, qu'on recevait avec plaisir dans les meilleures maisons ; aussi répétait-il souvent avec finesse, en regardant ses pieds nus : Capucin honteux, Capucin malheureux.
Pendant la Révolution, on transforma le couvent en une fabrique de salpêtre. Plusieurs fois la ville se proposa d'en faire l'acquisition, mais jamais on ne réalisa ce projet, qui aurait été fort avantageux, car la commune n'a aucune propriété bâtie, et, dans bien des circonstances, c'est une cause de gêne extrême. Le couvent fut vendu, comme propriété nationale, en 1791 ; la ville s'en était rendue acquéreur moyennant 15,400 liv. (monnaie de convention) ; mais, les conditions de la vente n'ayant point été observées, le couvent fut revendu sur folle enchère le 14 février 1793, et adjugé pour 14,500 liv. à M. Joly. La maison se composait de deux bâtiments réunis par un cloître, et d'un corps de logis formant pavillon. L'enclos avait quatre-vingt-dix verges de superficie. Tous les bâtiments furent démolis, et à leur place on construisit, en 1820, une habitation de pierre de taille, entre cour et jardin, d'une assez belle apparence.
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