Histoire de Montdidier
Livre II - Chapitre II - Section VIII
par Victor de Beauvillé
Section VIII
Un décret du 28 août 1808 a classé l'église du Sépulcre au nombre des succursales entretenues par l'État ; on y a réuni la commune d'Ayencourt‑le-Monchel. La population de la paroisse est de 1,641 âmes, dont 1,476 en ville, et 165 dans l'annexe. Le conseil municipal avait émis en 1837 le vœu que la paroisse du Sépulcre fût érigée en cure ; il n'a pas été donné suite à cette demande. En 1845 on obtint qu'un vicaire fût attaché à l'église ; la fabrique lui fait 400 fr. de traitement, et le loge dans une maison dont elle est propriétaire, rue des Capucins. La présence d'un second ecclésiastique est d'un grand avantage pour les fidèles. Jusqu'à présent on n'a pas dit la messe le dimanche à Ayencourt, comme on s'y était engagé en demandant un vicaire, les habitants de cette commune n'ayant pu s'entendre sur l'indemnité à lui accorder. Il faut espérer que cette difficulté s'arrangera, car les questions d'argent, mêlées aux affaires religieuses, produisent toujours un très-mauvais effet.
La fabrique possédait, lorsque éclata la Révolution, un revenu de deux cent quatre-vingt-dix-sept setiers de blé et de douze setiers d'avoine ; elle jouissait de 1,474 liv. de rente sur l'État et sur des particuliers ; les dépenses montaient à 2,860 livres. Les dîmes rapportaient au curé 1,200 liv. ; la fabrique lui payait, pour l'acquit des fondations, 368 liv. ; son casuel valait 450 liv., ce qui faisait en tout 2,018 livres. Sur cette somme, le curé donnait au vicaire 350 liv., et, comme seul décimateur, il était tenu de toutes les réparations du chœur, qui s'élevaient à 150 liv. par an ; il était encore obligé de payer 68 liv. pour l'acquit de fondations qu'il ne pouvait remplir lui‑même, ce qui réduisait son traitement à 1,450 livres. La fabrique accordait au vicaire et aux chantres 180 liv. et l'étole blanche ; l'organiste recevait 100 liv. et un muid de blé. Les revenus actuels s'élèvent à 3,700 fr., somme à peine suffisante pour les dépenses obligatoires.
Le curé n'a que le traitement de simple desservant, l'église n'étant que succursale : c'est la seule église de ville du diocèse qui se trouve dans cette position inférieure ; toutes celles d'Amiens et d'Abbeville sont classées au nombre des cures. L'importance de la paroisse exigerait cependant que le prêtre qui la dessert eût rang de curé : dans une ville on est assujetti à des sacrifices plus considérables qu'à la campagne.
Les marguilliers, autrefois au nombre de deux, étaient nommés par les paroissiens dans une assemblée générale qui se tenait après la grand'‑messe du dernier dimanche de septembre ; la durée de leur gestion était fixée à deux années, mais ils pouvaient être continués dans leur mandat. Dans la même réunion on désignait aussi la personne chargée de faire la quête les jours de grande fête : celui qui refusait de remplir cette mission était condamné à 6 liv. d'amende au profit de l'église. L'élection relevait ces modestes fonctions.
L'obligation imposée au curé, comme gros décimateur, de pourvoir à l'entretien du chœur a peut-être causé la perte des anciens vitraux. Les rentes que la fabrique avait sur la ville de Paris et sur le clergé ayant été constamment en diminuant, le curé se trouvait hors d'état de faire exécuter les réparations. En 1768, M. Gouillart , profitant de l'édit du mois de mai de cette année, fit à la fabrique l'abandon de toutes les dîmes, préférant être mis à la portion congrue et jouir simplement des cinq cents livres que l'édit du roi attribuait aux curés. Dans le pouillé de l'évêché d'Amiens de 1302, la cure du Sépulcre est mentionnée comme valant 30 liv. ; elle rapportait 700 liv. en 1648.
La cure du Sépulcre était à la nomination du prieur de Notre-Dame ; les Bénédictins avaient droit de célébrer le service divin aux quatre grandes fêtes de l'année et le jour patronal, mais ils devaient se rendre à l'église processionnellement, revêtus de leurs aubes et précédés de la croix. Le jour de l'Ascension, le principal du collége était tenu d'aller en procession avec le clergé de Saint-Pierre à l'église du Sépulcre, et d'y prêcher un sermon analogue à la fête ; les Bénédictins présidaient à la cérémonie ; mais, depuis qu'en 1731 ils se virent déboutés de leurs prérogatives honorifiques, ils cessèrent d'y paraître ; aussi, à la fin du siècle dernier, cette procession n'avait plus lieu.
Le jour de la Toussaint 1853, le rit gallican fut abandonné pour faire place au rit romain. L'église du Sépulcre fut la première du doyenné à accueillir la nouvelle liturgie ; à partir de cette époque l'on a cessé, dans le diocèse, de chanter publiquement le Veni, Creator. Il est douteux que cette suppression soit une préparation salutaire pour mieux entendre la messe. Rien ne motivait la nécessité d'un pareil changement ; depuis qu'il est opéré, sommes-nous meilleurs chrétiens ? Nos pères, tout gallicans qu'ils étaient, avaient plus de foi et de religion que nous.
Il est impossible de ne pas éprouver un sentiment de douleur profonde, en voyant le dédain et l'acharnement avec lesquels on traite l'église gallicane, l'une des plus illustres entre toutes. Nous avons entendu, au mois d'octobre 1853, dans la chaire d'Amiens, qualifier de siècle d'oppression le temps où cette église avait à sa tête un pasteur comme Mgr de la Motte ! Les plus beaux génies des temps modernes sont indignement outragés : on s'attaque à toutes les gloires du pays, on dénigre des hommes que l'on n'atteindra jamais : ne pouvant les égaler, on cherche à les amoindrir. Ce pauvre Fénelon !! Ce courtisan de Bossuet !! tel est le langage que tenait l'abbé C....... dans une retraite prêchée en 1852 au séminaire d'Amiens. Espérons que ce temps d'épreuve sera de courte durée, et qu'éclairées sur le tort involontaire qu'elles font à la religion, des personnes qu'un zèle indiscret emporte rentreront dans les voies de la sagesse et de la modération.
LISTE DES CURÉS DU SAINT-SÉPULCRE.
1176. — Dreux ou Drogon. Dans un titre de 1176, il est qualifié de chapelain du Saint-Sépulcre : Drogo capellanus sancti Sepulcri. 1421. — Jean Carpentier. 1465. — Jean le Canu. 1491-1502. — Robert Hubelet ; il fut envoyé à Laon en 1496 pour ratifier le traité de paix conclu à Étaples entre les rois de France et d'Angleterre. 1508. — Nicole Vignon. 1516. — Jean Lesmerel ; dans un acte de cette année il est qualifié de prêtre vice-gérant du saint-Sépulcre. 1552-1555. — Jean de Baillon. 1563-1588. — Jean Bucquet. 1593-1616. — Jacques de Bertin. 1616-1622. — Charles Bucquet. 1622-1659. — Michel Petit. 1659-1702. — Étienne Cocquerel. |
1702-1705. — Étienne Froissent, cousin germain du précédent. 1705-1723. — Nicolas Beauvais ; il avait été précédemment curé de Saint-Pierre et de Saint-Martin. 1723-1753. — Charles-François Daugy. 1753-1776. — Jacques Gouillart. 1776-1777. — Charles-Édouard Guedé, son neveu. Il ne fut curé que quelques mois : s'étant mis en possession de cette place sans avoir obtenu le consentement du prieur des Bénédictins, celui-ci lui intenta un procès au parlement de Paris : M. Guedé succomba, et fut obligé de quitter la cure ; il fut depuis principal du collége et curé de Saint-Pierre. 1777-1783. — Marc Beauvais. 1783-1828. — Marie-Joseph Pillon de la Tour. 1828-1838. — Jean-Baptiste-Augustin Follet. 1838. — Parfait-Marie Follet, son frère. |
*