Histoire de Montdidier
Livre IV - Chapitre II - Section LIX
par Victor de Beauvillé
RIOULT (Louis-Edouard), naquit à Montdidier le 26 octobre 1790 ; il était fils de Pierre-Michel Rioult, secrétaire du sieur Magnier, inspecteur général des maréchaussées, et de Rosalie-Victoire Gellée. Notre compatriote montra de bonne heure des dispositions pour la peinture, et, jeune encore, fut admis au nombre des élèves de David et de Regnauld. Les maîtres qui avaient dirigé ses premiers essais furent l'objet de sa constante affection, et à la fin de sa vie il s'amusait à peindre le Serment du jeu de paume, d'après les indications qu'il avait recueillies dans l'atelier de David.
Rioult concourut pour le prix de Rome, et avait la presque certitude d'être couronné ; mais, par un excès de générosité bien rare, il se retira du concours, voulant laisser le champ libre à un de ses camarades plus âgé. Un malheur affreux l'attendait et devait entraver une carrière qui s'annonçait sous les plus heureux auspices. A peine âgé de vingt-quatre ans, il fut frappé d'une attaque d'apoplexie qui lui paralysa le côté droit. Bien d'autres auraient renoncé à la peinture ; lui , au contraire, ne se laissa point abattre par cette cruelle épreuve ; il redoubla de courage, se mit à peindre de la main gauche, et, malgré les difficultés que lui opposait son infirmité, parvint, à force de travail, à se créer une position honorable.
Rioult s'est peu livré à la peinture historique, il est surtout connu comme peintre de genre ; il affectionnait les sujets gracieux, les nudités : ses Baigneuses, ses Jeunes filles, sont recherchées. La lithographie s'est emparée de plusieurs de ses tableaux et les a popularisés. Comme coloriste, il occupe un rang assez distingué dans l'école moderne. Le musée du Luxembourg possède de lui une toile représentant Deux jeunes baigneuses qui jouent au bord de l'eau. Haut. 1m46, larg. 1m,14 ; elle a figuré avec distinction au Salon de 1833. Rioult a peint pour les galeries de Versailles le Combat d'Ostende (1745) et la Bataille d'Hastembecke (1741) : ce dernier tableau a été gravé et fait partie de la collection Gavard ; son tableau de la Mort du chevalier d'Assas, exposé au Louvre en 1841, a été admis à l'Exposition universelle de 1855, bien que l'auteur fût mort avant l'ouverture ; je m'en suis rendu acquéreur. Notre concitoyen obtint, en 1824, la médaille de deuxième classe pour le genre historique, et en 1838 la médaille de première classe. On ne peut pas dire qu'il ait sollicité les récompenses, elles venaient le chercher, et sans son infirmité il aurait pu prétendre à de plus grands honneurs.
Rioult sortait peu et marchait difficilement. Dans les dernières années de sa vie sa tête s'était affaissée et retombait sur l'épaule droite. Prévoyant le temps où sa mère ne pourrait plus veiller sur lui, il épousa, en 1835, une demoiselle Eulalie James, qui entoura son existence de soins assidus. Il mourut à Paris, le 11 mars 1855, d'une maladie qui dura trois jours à peine : une enflure qu'il avait aux jambes remonta et l'étouffa presque subitement. Pour éviter toute confusion, nous allons donner l'indication de ses nombreux tableaux, d'après l'ordre où ils figurent sur les livrets de l'exposition du Louvre :
1819. Martyre d'Eudore et de Cymodocée. — Moïse prêt d'être exposé sur le Nil.
1822. Daphnis et Chloé.— Le berger Lamon trouve le petit Daphnis. — Le sommeil d'Endymion. — Le lever de l'Aurore.
1824. Roger délivrant Angélique. — Un pauvre homme partageant son pain avec son chien. — Une pauvre femme près d'une fenêtre par laquelle on aperçoit des personnes à table. — Un écolier donnant son déjeuner à un jeune mendiant. — Un petit garçon regardant un jeune homme qui dessine dans l'atelier de peinture. — Petit garçon cherchant à lire avec les lunettes d'une vieille femme qui s'est endormie.
1827. Phrosine et Mélidor. — Deux petits Auvergnats. — Néréide sur un cheval marin. — Deux baigneuses. — Chactas au tombeau d'Atala. — Un jeune faune jouant de la flûte et faisant danser un satyre avec son chevreau. — Un brigand calabrais. — Le pauvre mendiant. — Velléda. — Première sortie de Paul, convalescent, après la mort de Virginie. — Amazili et Telasco. — Un jeune peintre se repose auprès de son foyer. — Plusieurs études.
1831. Deux jeunes baigneuses : l'une d'elles veut s'emparer d'un coquelicot que l'autre tient dans sa main. — Une jeune baigneuse jette de l'eau au visage de sa compagne. — Jeunes baigneuses effrayées par une couleuvre. — Jeunes baigneuses : l'une d'elles abaisse une branche d'arbre sur la tête de l'autre. — La conversation. — Entrée au bain. — Une petite fille portant à sa mère un caneton qu'elle vient d'attraper. Sujet extrait du Boyardo. — La sortie du bain. — Deux petites filles : l'une d'elles ajuste des fleurs sur la tête de l'autre. — Études de petites filles.
1833. Deux très-jeunes filles. —Un tableau. — La tête cassée. — Petite fille à couvert sous un arbre.
1834. La poursuite. — La misère. — Une petite boudeuse. — Le bain à la fontaine du parc. — Une jeune femme et un enfant s'étant baignés, l'enfant veut avoir un petit canard que la jeune femme remet sur l'eau.
1835. Torregiano. — Deux jeunes filles dans une barque.
1836. Saint Jérôme priant dans sa grotte. — Deux jeunes filles se baignant. — Jeune femme malade dans un fauteuil. — Jeune mère craignant que son mari ne réveille son enfant. — L'heureuse mère : l'enfant joue avec le collier. —Une jeune fille hésite à entrer dans l'eau ; une plus jeune l'y entraîne. — Une jeune femme et son enfant au sortir du bain. — Trois petites filles s'étant baignées dans une mare, l'une d'elles caresse un oiseau qu'elle a attrapé. — Une jeune femme, son enfant et la nourrice. — Le soufflet. — Les roses. — Tête de femme.
1837. Siège d'Ostende, au mois d'août 1745.
1838. Madeleine pénitente. — La danse. — Jeune fille et sa chèvre auprès d'une fontaine. — Femme à mi-corps avec un cygne. — Jeune fille vue à mi-corps et tenant un miroir. — Jeune fille.
1841. Mort du chevalier d'Assas. — Portrait de mademoiselle. . . — Idem de madame. . . . — Jeune fille avec des petits chiens. — Jeune fille avec des pigeons.
1850. La Visitation. — Diane au bain. — Baigneuse et Zéphyr — Léda au bain. — L'Amour blessé par une abeille. — Portrait de M. R. . . .
M. Rioult a encore peint les tableaux dont voici l'indication :
La Présentation au temple. — Vierge et enfant Jésus. — Les deux amies. — Les petits favoris.— Jeune homme blessé. — Viens donc ! —Repose-toi. — L'Enlèvement d'Europe. — Jupiter et Léda. — Vénus désarmant l'Amour. — L'Amour piqué par l'abeille. — Baigneuse et moutons. — Les deux sœurs. — Finis donc ! — La jeunesse parcourant le fleuve de la vie. — Petits faunes. — Jupiter et Antiope. — Sainte Clotilde. — Le Pèlerin. — Petite boudeuse. — Scènes de Tartuffe, quatre compositions. — L'image de la beauté. — L'école. — Jeune fille implorant pour un mouton. — Les saints Anges. — Le jeune peintre. — La voluptueuse. — La fuite. — Mort de Cléopâtre. — Fidélité. — Ochiltrie. — Scène d'invasion, au musée de Douai.
M. Rioult s'occupait aussi de lithographie et de gravure ; il a retouché plusieurs des planches qui reproduisent des tableaux sortis de son atelier.
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