Histoire de Montdidier
Livre IV - Chapitre II - Section V
par Victor de Beauvillé
BOSQUILLON (Édouard-François-Marie), médecin distingué et savant helléniste, naquit à Montdidier le 20 mars 1744 ; Catherine Plomet, sa mère, était fille d'un négociant de Beauvais. Francois-Marie Bosquillon, docteur en médecine de la faculté de Reims, père de celui dont nous retraçons la vie, apprit à son fils les éléments des langues anciennes, et, à l'âge de onze ans, l'envoya à Paris, au collége des Jésuites, où il se distingua par ses progrès rapides dans la langue grecque. Après avoir terminé sa philosophie à l'Université de Paris, Bosquillon se fit recevoir maître ès arts en 1762 ; il se livra ensuite à l'étude de la médecine, fut reçu licencié en 1770, et docteur régent le 30 octobre 1772. Ses travaux littéraires n'en souffrirent point ; il avait un penchant décidé pour le grec, qu'il apprit à fond : en 1774, il obtint la place de professeur au Collége de France ; l'année suivante, il fut nommé censeur royal en remplacement de Jean Capperonnier.
La chaire de grec lui tenait lieu de toute distraction et de toute affection. Hippocrate et Homère étaient ses auteurs favoris : le premier surtout l'ut l'objet des études de sa vie entière. Médecin et littérateur, Bosquillon pouvait plus facilement qu'un autre apprécier les trésors divers que renferment les écrits du philosophe de Cos, et la médecine ancienne ne sera de longtemps cultivée par un savant aussi habile à la faire connaître ; il avait préparé sur ces deux auteurs des ouvrages importants que la mort l'empêcha de publier.
En qualité de docteur-régent de la faculté de Paris, Bosquillon professa en latin la chirurgie et la botanique. Ses recherches sur l'antiquité ne lui faisaient pas négliger le progrès de la science moderne, et les nombreuses traductions qu'il a données des ouvrages de médecins et de chirurgiens anglais sont une preuve suffisante de son activité : il ne se bornait pas simplement à traduire, il accompagnait encore ses traductions de notes et de dissertations qui en doublent le prix et les font rechercher par les hommes compétents. Le titre de médecin de l'Hôtel-Dieu et celui de correspondant de la Société de médecine d'Édimbourg récompensèrent ses travaux.
Comme médecin, on a reproché à notre compatriote d'être trop systématique dans ses opinions ; ainsi il prétendait que l'hydrophobie n'était pas contagieuse, que l'imagination en était la principale cause, et que la peur seule rendait mortelle la morsure des animaux attaqués de cette maladie. On assure même que, pour appuyer ses paroles de l'autorité de l'exemple, il se faisait mordre par des chiens enragés. Il était très-partisan de la saignée, en quoi il différait de Fernel. Parmentier disait en riant que, lorsque Bosquillon entrait dans un hôpital, il tâtait le pouls du premier malade, et disait, en montrant de sa canne la file de malades couchés devant lui : Qu'on saigne toute la rangée !
Bosquillon était d'une grande simplicité et de l'abord le plus facile, bien que l'expression de son visage n'eût rien d'agréable ; son portrait, peint par Isabey et gravé par Saint-Aubin, fait honneur au burin de cet artiste. Bosquillon mourut d'un engorgement au pylore, le 21 novembre 1814, à l'âge de soixante et dix ans. Il vit approcher sa fin avec un courage stoïque, et composa l'épitaphe qui devait être placée sur le tombeau qu'il s'était fait élever au Père-la-Chaise : la Biographie de Feller prétend qu'il avait eu soin de l'essayer. Sa bibliothèque, composée principalement d'ouvrages de médecine, d'histoire naturelle et de littérature grecque et latine, comprenait plus de trente mille volumes ; elle fut vendue en 1815 et rapporta 51,213 fr., prix fort élevé pour une époque où les banquiers et les riches désœuvrés ne venaient pas dans les ventes publiques faire, par ostentation, une concurrence désastreuse au collectionneur modeste et à l'amateur studieux. Les livres de médecine produisirent 11,000 francs En tête du catalogue, qui forme un volume in-8° de 440 pages, se trouve une Notice sur la vie et les écrits de Bosquillon, par Philibert Dubois ; elle est imprimée dans le Magasin Encyclopédique, et l'on en a fait un tirage séparé, à Paris, chez Crapelet, 13 pages d'impression.
Bosquillon mourut sans postérité. Par une erreur commune à plus d'un homme de lettres, il avait épousé une femme qu'il avait à son service ; sa veuve lui survécut peu d'années ; elle donna une partie de la fortune qu'elle tenait de la générosité irréfléchie de son mari pour fonder la chapelle du cimetière du Père-la-Chaise. Bosquillon portait pour armoiries : d'azur, à, trois serpettes d'argent garnies d'or, 2 et 1, au chef d'argent chargé de trois roses de gueules. Dans le seizième siècle, les membres de sa famille avaient embrassé la religion réformée ; la révocation de l'édit de Nantes les fit rentrer, de gré ou de force, dans le giron de l'église romaine.
Le tombeau de Bosquillon est très-modeste ; il se compose d'un parallélogramme de pierre, sans aucun ornement. Sur l'un des côtés, on lit l'épitaphe qu'il avait composée :
HIC JACET
VIR OMNIBUS DESIDERANDUS
EDUARDUS FRANCISCUS MARIA ROSQUILLON, EQUES,
LECTOR REGIUS, NEC NON GRÆCARUM LITTERARUM IN COLLEGIO REGIO PROFESSOR
FACULTATIS MEDICÆ EDIMRURGIS SGCLES
QUI DUM VIVEBAT ÆGROS RESTITUIT EGENIS OPITULATUS EST
FUIT ARTIS MEDICÆ TIRONUM PATRONUS
AMICIS CARES! UNICA CONJUGIS DILECTISSIMÆ CURA
OBIIT DIE 21 NOV. AN. S. 1814. ET. 70.
MARIE NAUDIN, SA VEUVE, MORTE LE 25 AVRIL 1817,
AGÉE DE 61 ANS,
A LÉGUÉ LA PREMIÈRE UNE SOMME CONSIDÉRABLE
POUR ÉLEVER LA CHAPELLE DU CIMETIÈRE.
Cette somme considérable consistait en cent actions de la Banque de France. On a de Bosquillon les ouvrages suivants :
Ed. Franc.-Maria Bosquillon. Dissertatio. In praxi medica magni facienda est crisium observatio. Parisiis, 1772, in-4°.
Lettre de M. Bosquillon, écuyer, docteur régent de la Faculté de médecine de Paris, professeur de chirurgie latine dans la même Faculté, lecteur du roi et professeur de langue grecque au Collége royal de France, censeur royal et de la société de médecine d'Édimbourg, à M... (Lefebvre de Villebrune) sur la nouvelle édition in-12, petit format, des Aphorismes d'Hippocrate, qui se trouve à Paris, chez Cloussier et Ségaud, 1779. Paris, Didot aîné, in-18.
Lettre de M. Bourgeois (Bosquillon), étudiant en médecine, à M..., pour servir de réplique à un libelle intitulé : Lettre très-honnête à M. Bosquillon, par Lefebvre de Villebrune. Sans date, in-12.
Mémoire sur le nouvel hospice de Saint-Merri, dans lequel on prouve que cet hospice est de la plus grande utilité pour les pauvres, et ne peut nullement nuire à la salubrité de l'air, par M. Bosquillon, etc. (Paris) Malade, 1783, in-4°.
Hippocratis aphorismi et prænotionum liber ; grec-latin. Parisiis, Malade, 1784, 2 vol. in-18.
Le second volume a pour titre :
Notæ et emendationes in Hippocratis aphorismos et prænotionum librum.
Éléments de médecine pratique de Cullen, traduits sur la quatrième et dernière édition avec des notes dans lesquelles on a refondu la nosologie du même auteur, décrit les différentes espèces de maladies, et ajouté un grand nombre d'observations qui peuvent donner une idée des progrès que la médecine a faits de nos jours, par Bosquillon. Paris, Théophile Barrois, 1785-1787, 2 vol. in-8°. Nouvelle édition, revue par A.-J. de Lens. Paris, 1819, 3 vol. in-8°.
Éléments de physiologie de Cullen, traduits de l'anglais sur la troisième et dernière édition par Bosquillon. Paris, Théophile Barrois, 1785, in-8°.
Traité théorique et pratique des ulcères, par B. Bell, traduit sur la quatrième édition, par Bosquillon, augmenté de quelques recherches sur la teigne. Paris, 1788, in-8°.
Remarques sur la teigne. Paris, Méquignon père et Barrois, 1789, in-8°.
Traité de matière médicale, par Cullen, traduit de l'anglais sur la seule édition donnée par l'auteur à Édimbourg, en 1789, par Bosquillon. Paris, Théophile Barrois, 1789, 2 vol. in-8°.
Cours complet de chirurgie de Bell, traduit par Bosquillon. Paris, an iv (1796), 6 vol. in-8°, figures.
Les observations de Bosquillon sont si étendues et d'un si grand intérêt que, dans cet ouvrage, il est tout à la fois auteur et traducteur.
Les Aventures de Télémaque, fils d'Ulysse, par Fénelon. Nouvelle édition, enrichie de variantes, de notes critiques, de plusieurs fragments extraits de la copie originale et de l'histoire des diverses éditions de ce livre (par Bosquillon). Paris, Théophile Barrois, an vii, 2 vol. in-18.
Réflexions de M. Bosquillon, médecin du grand hospice de Paris, sur la jeune personne morte, le 4 pluviôse an v, avec des symptômes d'hydrophobie. Magasin encyclopédique, cinquième année, 1799, tome VI, page 227.
Traité de la gonorrhée virulente et de la maladie vénérienne, de Bell, traduit sur la deuxième édition anglaise, et augmenté d'un grand nombre d'observations sur les moyens de reconnaître et de traiter les maladies des voies urinaires, de la peau et autres, qu'on confond souvent avec les symptômes de la maladie vénérienne, par Bosquillon. Paris, Barrois, an x (1802), 2 vol. in-8°, avec le portrait de l'auteur.
Mémoire sur les causes de l'hydrophobie, vulgairement connue sous le nom de rage, et sur les moyens d'anéantir cette maladie, par Bosquillon. Paris, Gabon, an xi (1802), in-8°, 32 pages.
Traité théorique et pratique des ulcères, par B. Bell ; traduit sur la septième édition, augmenté de notes, de recherches (nouvelles) sur la teigne, et d'observations nouvelles sur les tumeurs blanches des articulations. Troisième traduction française par Bosquillon. Paris, Théophile Barrois, an xi (1803), in-8°.
Dans la préface, Bosquillon annonce que cette traduction diffère beaucoup de celle qu'il a faite en 1788.
Observations sur une affection particulière des testicules, accompagnée d'un fongus produit par cet organe, par Williams Lawrence ; extraites du Journal médico-chirurgical d'Édimbourg, 1808, in-8° ; insérées dans le Journal général de médecine, t. XXXVI, p. 447-459.
Rapport sur un ouvrage intitulé : « Antipanacée, ou des causes qui rendent en général difficiles à guérir, ou même incurables, des maladies qui pourraient naturellement se guérir : ouvrage écrit en grec littéral, par M. Anastase Georgiades, natif de Philippopolis, docteur en médecine et en chirurgie d'Iéna, membre ordinaire de la Société minéralogique de la n même ville, et associé correspondant des curieux de la nature de Halle ; » fait en français à la Société médicale d'émulation de Paris, le 5 août 1811, par M. Bosquillon, docteur régent de l'ancienne Faculté de médecine de Paris, professeur en langue grecque au Collége impérial de France , etc., et traduit par son auteur en faveur des Grecs , en grec littéral. Paris, Éberhart, 1811, in-8°.
Aphorismes et pronostics d'Hippocrate, traduits en français par M. Bosquillon. Paris, Crochard, 1814, 1 vol. in-18.
Hippocratis aphorismi et prænotiones græce, latine et gallice, edente Bosquillon. Paris, 1814, 2 vol. in-18.
Histoire de la médecine par Sprengel, traduite par Jordan, revue par Bosquillon. Paris, 1815, 9 vol. in-8°.
Hippocratis de officina medici et de fractis libri duo, edente Fr. Mar. Bosquillon. Parisiis, Renouard, 1816, in-8° et in-4°
Sur la garde du volume on lit cette note de Renouard : « Ce peu de feuilles est le commencement d'une édition complète d'Hippocrate, dont feu Bosquillon s'était occupé pendant une grande partie de sa vie, qu'il avait interrompue à regret, et que toujours il se proposait de reprendre et d'achever.
Pour que cette petite partie de son travail ne soit pas tout à fait perdue pour les lettres, on a cru devoir conserver quelques exemplaires de ce fragment d'édition, tant en in-8° qu'en in-4°, grand papier d'Annonay. »
Dans son Catalogue de la bibliothèque d'un amateur, Renouard cite cette édition et ajoute en note : « C'est le commencement d'une édition qui devait être complète, et que Bosquillon, pendant trente années, se proposa toujours de continuer, jusqu'à ce que sa mort vînt la clore définitivement à ce peu de feuilles. Acquéreur de tous les exemplaires, j'en ai conservé seulement cent vingt in-8°, et trente in-4° en y faisant un frontispice. »
Le titre de cet ouvrage est de la composition de Renouard ; le titre véritable donné par Bosquillon est : ΙΠΠΟΚΡΑΤΟΥΣ ΤΑ ΧΕΙΡΟΥΡΓΡΓΙΚΑ, Hippocratis opera ad chirurgiam spectantia.
Le volume se compose de vingt-deux feuilles et un quart, non compris le titre de Renouard, qui forme une demi-feuille séparée. Le livre de Articulis commence à la vingt-deuxième feuille et comprend deux pages de texte grec ; le quart de feuille qui termine le volume ne renferme que cinq lignes de la traduction latine.
Nous devons signaler une particularité assez rare : le numéro de la page latine est le même que celui de la page grecque, de telle sorte qu'on peut à volonté diviser le volume en deux et avoir seulement le texte grec ou la traduction latine, ce qui a fait dire à quelques bibliographes que cet ouvrage ne formait que onze feuilles.
Cette édition, dont Didot était l'imprimeur, devait avoir six cents figures gravées sur cuivre et exécutées entièrement aux frais de Bosquillon ; après sa mort, ces cuivres, que l'on trouva chez lui, furent vendus à vil prix.
Bosquillon concourut à la traduction de l'abrégé des Transactions philosophiques, etc., de Londres ; il a augmenté le Vocabulaire de de Wailly de tous les termes de médecine, d'anatomie et d'histoire naturelle. Il avait préparé une édition des ouvrages grecs suivants, qui n'ont pas encore été imprimés, et dont il avait les manuscrits copiés d'après ceux de la Bibliothèque royale :
Un commentaire de Gallien sur le traité d'Hippocrate, de Humoribus.
Un abrégé du Glossaire de Gallien, des termes dont s'est servi Hippocrate, qui fournit quantité d'observations et de variantes importantes.
Un fragment de Pollux, sur la signification des termes de médecine, qui semble prouver que nous n'avons qu'un extrait très-abrégé du Glossaire de cet auteur.
Le texte d'Aribase, de Laqueis et machinamentis, où se trouvent des extraits fort étendus d'Héraclée, d'Héliodore et de plusieurs autres auteurs, non imprimés.
Le Commentaire d'Apollonius de Ceta sur le livre des luxations d'Hippocrate.
Ces ouvrages, restés manuscrits, formaient plusieurs volumes in-folio, et renfermaient beaucoup de planches que Bosquillon avait fait graver à ses frais, en grande partie, d'après les manuscrits de la Bibliothèque royale. Les circonstances le forcèrent d'interrompre ces travaux, dont il présenta le commencement, faisant douze feuilles, à l'Institut, dans les premières années du siècle ; sa santé l'obligea ensuite à se borner à des publications d'une moindre étendue. Les Dissertations, les Mémoires et les Rapports qu'il a lus dans les sociétés savantes, feraient, s'ils étaient réunis, la matière de nombreux volumes.
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