Histoire de Montdidier

Livre III - Chapitre III - § III

par Victor de Beauvillé

§ III

HÔPITAL-TRÉSORIER.

Hopital-trésorier

Indépendamment de l'hôpital dont nous venons de parler, il y en avait un autre, connu sous le nom d'hôpital Trésorier, en souvenir de l'un des fondateurs, Guillaume de Hangest, trésorier de France. Le père de ce Guillaume de Hangest, qui portait le même prénom que son fils, avait acquis une maison à Montdidier pour loger les pauvres, mais pendant une nuit seulement, et il l'avait dotée de 36 liv. parisis de rente, destinées à acheter des chemises et du drap pour leur faire des tuniques. Le fils suivit l'exemple du père, et fit don de ce qu'il fallait pour se procurer les tourbes nécessaires au chauffage de l'établissement ; il laissa en outre une rente dont le montant devait être employé à distribuer la moitié d'un pain à chaque pauvre au moment de sa sortie. Par une disposition expresse des donateurs, l'administration était confiée à un homme et à une femme de bonne vie, n'appartenant à aucun ordre religieux, et exerçant leurs fonctions sous la surveillance des maïeur et échevins. Guillaume de Hangest, voulant assurer l'effet de sa fondation, fit avec Philippe le Bel un échange de 120 liv. parisis de rente qui lui étaient dues sur le trésor royal, à Paris, contre pareille somme à prendre à Montdidier sur les 600 liv. appartenant au roi ; les lettres confirmatives de cet échange et de la donation sont de 1298. (Pièce just. 112.)

L'hôpital Trésorier était situé dans la rue du Moulin-à-Vent, à droite, près la rue de la Faucille. Les guerres du quinzième siècle ayant réduit considérablement le nombre des habitants, cet hôpital devint inutile ; les administrateurs, qui, conformément à la volonté des fondateurs, avaient toujours été des laïques, l'abandonnèrent. La ville s'en empara en 1504 par voie de confiscation, et y mit un gardien ; on continua pendant quelque temps encore d'y recevoir des pauvres. Par son testament de 1517, Michel Pavie légua à l'établissement 20 patars ; mais cette seconde existence fut de courte durée, et l'hôpital ne tarda pas à être fermé définitivement. Les bâtiments inhabités tombèrent en ruine ; en 1589, les religieuses de Saint-François ayant été dépossédées, pour la construction des fortifications, d'une partie de leur couvent et d'un jardin qui leur appartenait hors de la porte d'Amiens, elles obtinrent comme indemnité le lieu et l'héritage appelé l'hôpital Trésorier en la rue du Moulin-à-Vent. Enfin l'année suivante, la ville ayant besoin de faire abattre une maison, on s'arrangea avec le propriétaire, et on lui céda en échange de la sienne ce qui restait de l'hôpital, dont les derniers vestiges disparurent en 1590.

L'article du règlement qui accordait aux pauvres le droit d'être admis pour une nuit seulement est remarquable ; une disposition semblable se trouve dans les statuts de certaines maisons de refuge en Angleterre et en Écosse ; les indigents y sont admis pour une nuit, et trouvent au moins pendant quelques heures le repos et la nourriture dont ils ont besoin. En France nous n'avons malheureusement aucune institution de ce genre.

*