Histoire de Montdidier

Livre I - Chapitre XI - Section III

par Victor de Beauvillé

Section III

Tremblements de terre

Service funèbre de Louis XV

Cherté du blé

Sédition

 

Les 28 février et 26 avril 1754, on ressentit quelques secousses de tremblement de terre ; il y eut des vitres cassées, de la vaisselle brisée. Le 18 avril 1755, les 26 et 27 du même mois, ainsi que le 7 mai suivant, il y eut encore quelques oscillations du sol. Le 18 février 1756, sur les sept heures et demie du matin, on éprouva une légère secousse. Le même phénomène se reproduisit le 26 avril vers les trois heures du soir. Le 30 du même mois, un peu après neuf heures du soir, une nouvelle secousse plus violente que les précédentes se fit sentir ; elle était accompagnée d'un grand bruit ressemblant au roulement d'une voiture : toute la ville fut en alarme ; la direction du mouvement était du nord au sud ; le vent était froid et soufflait est-nord.

Au milieu de cet effroi sans cesse renaissant, on s'adressa de nouveau aux patrons de la ville ; les terribles effets du tremblement de terre de Lisbonne étaient présents à tous les esprits et augmentaient la terreur générale. Le 15 mai, deux secousses, la première à deux heures de la nuit, et la seconde moins forte, une heure après, renouvelèrent la frayeur ; ce furent les dernières : plusieurs personnes avaient abandonné leurs maisons.

Le 13 juin 1757, le clergé de Saint-Pierre et celui du Sépulcre allèrent le matin en procession à la chapelle de Sainte-Geneviève, demander à Dieu un temps favorable pour les biens de la terre et la diminution du prix du blé ; cette chapelle était située à gauche de la route de Rollot, sur la limite des territoires de Montdidier et d'Assainvillers.

Mgr d'Orléans de la Motte donna sa dernière mission à Montdidier au mois d'avril 1771 ; malgré ses quatre-vingt-neuf ans, cet illustre prélat monta encore en chaire et fit la procession lui-même ; l'affluence de monde, le nombre et la magnificence des reposoirs, étaient remarquables. Mgr de la Motte perdit son frère pendant son séjour dans notre cité, et il reçut à cette occasion les compliments de condoléance du corps de ville. MM. Dargnies, vicaire général, Guidé, Caron et Maurice, dirigeaient les exercices religieux.

Le 3 novembre 1773, à quatre heures du soir, on entendit un grand bruit, et l'on sentit le sol trembler ; c'était le magasin à poudre d'Abbeville qui venait de sauter.

Le 26 mai 1774, eut lieu à Saint-Pierre un service pour le repos de l'âme de Louis XV ; le clergé des paroisses, les Capucins, le bailliage, la mairie, les avocats, notaires et procureurs, les chevaliers de Saint-Louis, la noblesse, les compagnies de l'Arc, de l'Arquebuse et une foule de personnes y assistèrent. Le chœur et la nef étaient tendus de trois bandes noires. Le 19 août, les officiers municipaux firent célébrer un service plus solennel encore : tout le chœur et la nef étaient drapés de noir, depuis la voûte jusqu'au bas des colonnes ; des rideaux placés aux fenêtres ne laissaient pénétrer qu'un demi-jour, et faisaient ressortir le luxe de l'éclairage. Le catafalque, entouré d'écussons aux armes de France et de Navarre, était surmonté d'un dais noir orné de lambrequins d'argent ; des cierges à profusion l'éclairaient : on n'entrait dans l'église qu'avec des billets, et le public était en habits de deuil. L'abbé Lefebvre, principal du collége, prononça l'oraison funèbre, et prit pour texte : Dilectus Deo et hominibus in lenitate et in fide. Son discours lui mérita les suffrages des connaisseurs. La porte de l'hôtel de ville était pareillement tendue de noir et les boutiques étaient fermées.

La cherté du blé causa, le 6 mai 1775, une sédition assez grave ; des bruits absurdes, auxquels la crédulité publique ajoutait foi, y donnèrent lieu. On prétendait que des étrangers allaient de marché en marché, se faisant livrer le grain à vil prix. Le désordre commença par le petit marché au blé. Pour l'apaiser, le maire et le procureur de la ville furent obligés de taxer cette denrée à 18 liv. le sac, tandis qu'au marché précédent, il valait 32 liv. et même davantage. Les séditieux se portaient dans les endroits où du blé était déposé et s'en emparaient ; ils crevaient les sacs et en pillaient le contenu. Après avoir parcouru toute la ville, les émeutiers se rendirent en grand nombre au Prieuré, montèrent dans les greniers, et jetèrent le grain par les fenêtres : c'était aggraver le mal, au lieu d'y remédier ; mais c'est toujours ainsi que procède l'émeute. Comme on n'était pas en force, il fallut lui laisser le champ libre. Cependant les compagnies de l'Arquebuse, de l'Arbalète et de la Bande noire se rassemblèrent à l'hôtel de ville et y restèrent en faction. Le 8 mai, dans la matinée, de vieux soldats se réunirent sous le commandement de deux anciens capitaines, MM. de Louvencourt et Bosquillon de Bouchoir, et le lendemain, qui était un mardi, par ordre de l'intendant, le marché au blé s'ouvrit sous la protection de ces volontaires, des compagnies bourgeoises et de la maréchaussée. Cette garde improvisée resta en permanence jusqu'au 12 ; ce jour-là, cent cinquante hommes du régiment de Condé-Cavalerie arrivèrent d'Amiens ; le lendemain le marché se tint comme à l'ordinaire ; la présence de la troupe intimida les perturbateurs, et le blé se vendit librement de 24 à 29 liv. le sac : le détachement de cavalerie séjourna à Montdidier jusqu'au 1er septembre.

Le sacre de Louis XVI (11 juin 1775), donna lieu, le mois suivant, à des réjouissances générales. Le 9 juillet, on chanta à Saint-Pierre un Te Deum auquel assistèrent les autorités et la garnison. Un feu de joie avait été préparé en face de l'hôtel de ville ; sur les neuf heures du soir, le maire et le commandant l'allumèrent ; la troupe formait le carré et faisait des décharges de mousqueterie ; la mairie était illuminée, des pyramides et un édifice d'ordre ionique décoraient sa façade : au balcon on voyait les armes de France et de Montdidier ; le couronnement représentait un cœur sur deux branches de palmier, avec cette devise : Bene mutuis fidem pectus amoribus.

Cette même année, plusieurs champs de blé des environs de Montdidier, furent atteints de la maladie du noir. Parmentier se procura du grain, le soumit à diverses expériences, détermina la nature du mal, enseigna le moyen d'y remédier, et publia à ce sujet une brochure intitulée : Analyse de la carie du froment, lue à la Societé royale de médecine en 1776. C'est un des premiers ouvrages de notre savant compatriote.

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