Histoire de Montdidier

Livre I - Chapitre V - Section I

par Victor de Beauvillé

Section I

Charles VI à Montdidier

La ville est érigée en baronnie-pairie en faveur du duc d'Orléans

Elle est assiégée sans succès par Philippe le Hardi

Charles VI y convoque ses sujets de Picardie

 

Le règne de Charles VI commença sous d'heureux auspices : à la bataille de Rosebecq (1382), quarante mille Flamands succombèrent sous les coups de l'armée française. Après la victoire, le roi retourna à Paris ; son voyage fut une suite d'ovations continuelles. « Il passa par les villes de Picardie, » dit Juvénal des Ursins, « esquelles il fut grandement et honorablement receu et luy furent faits plusieurs beaux dons et de grande valeur. Et à tout son conseil, et à tout son aise s'en venait. »

Le roi vint à Montdidier ; de là il se rendit à Compiègne et à Villers‑Cotterets, où il séjourna pour chasser dans la forêt. La maladie dont Charles VI fut atteint en 1393 fit évanouir toutes les espérances que ce brillant début avait fait concevoir. La division ne tarda pas à se mettre entre les ducs de Bourgogne et d'Orléans : chacun d'eux prétendait s'emparer du pouvoir pendant la démence du roi. Le duc d'Orléans l'emporta d'abord, et profita de son autorité pour augmenter ses domaines ; il se fit donner, en 1402, les villes de Péronne, Montdidier et Roye, et en 1404 ces trois villes, réunies à celles de Ham et de Chauny, furent érigées en baronnie-pairie.

Le 4 avril 1402, suivant les Registres de la ville, le 3 avril, suivant l'Itinéraire des ducs de Bourgogne, publié dans le Recueil de la Société & histoire de Bruxelles, Philippe le Hardi, qui se rendait en Artois, passa par Montdidier ; on lui offrit un minot, de vin de Beaune : le minot équivalait à douze litres. Les échevins reconduisirent le prince jusqu'aux portes, où, comme portait le Registre : reconvoierent monseigneur de Bourgogne qui lors avoit filé à Montdidier. A quel jeu avait-il joué ? A la paume vraisemblablement, car c'était le délassement favori de la noblesse. Ce prince repassa le 6 mai ; il retournait à Paris ; cette fois on lui offrit douze quennes de vin (22 lit. 80 cent.) : le 17 du même mois, il traversa de nouveau Montdidier, et la ville lui fit présent de douze chapons à trois sols chaque. Le compte porte en marge : Aux échansons du dit seigneur pour ravoir les quennes 8 sols. Les officiers vendaient donc derrière leur maître les présents qui lui étaient offerts. La quenne contenait 1 litre 90 cent. Dans un compte de 1402, les chapons ne sont estimés que dix-huit deniers ; ceux que l'on offrait au duc avaient été payés le double des chapons ordinaires.

La ville obtint du roi, cette année (1402), de lever pour un an, sur tous les vins vendus au broc, à Montdidier et dans la banlieue, une aide de 8 sols parisis, pour chaque tonneau bu et dépensé ; le quart de ce qui revenait au roi sur ce droit fut réduit à 12 deniers par livre.

Philippe le Hardi mourut le 27 avril 1414 ; Jean, son fils, lui succéda et s'empara de la régence. En 1406, il se fit nommer gouverneur de Picardie. Les haines qui divisaient les ducs d'Orléans et de Bourgogne devinrent de plus en plus vives. Le 23 novembre 140, ce dernier se débarrassa de son rival en le faisant assassiner à Paris, dans la rue Barbette. Forcé de quitter la capitale après ce meurtre horrible, Jean sans Peur se retira dans ses États ; il traversa Montdidier, lui sixième, se rendant en Flandre.

Une feinte réconciliation entre les maisons d'Orléans et de Bourgogne suspendit les hostilités, mais elle fut de courte durée. La guerre commença en 1411. Les Orléanais, commandés par le duc de Bourbon et le comte d'Alençon, s'emparèrent de Roye et y mirent garnison ; Chauny, Ham, Clermont, tombèrent en leur pouvoir : les Bourguignons, maîtres de l'Artois, entrèrent en campagne, et firent des courses jusqu'aux portes de Paris.

Jean réunit à Douai une nombreuse armée composée de Flamands, de Bourguignons et d'Artésiens ; il pénétra en Picardie, prit et brûla la ville de Ham, reçut à discrétion Nesle, Roye et Chauny, et vint assiéger Montdidier au mois de septembre 1411.

Il établit son camp au nord-ouest de la ville, derrière la Madeleine, près le chemin de Fontaine, sur une petite montagne proche du gibet, au même endroit où Robert Knolle avait campé quarante-deux ans auparavant ; il fit enclore son camp et ranger ses chariots à l'entour. Le duc de Bourgogne livra plusieurs assauts à la ville, mais les habitants les repoussèrent vigoureusement.

Le duc d'Orléans, sur la nouvelle qu'il en reçut, rassembla ses forces, passa l'Oise à Beaumont, et s'avança jusqu'à la commanderie de Saint-Antoine de Catenoy, près Clermont. Les ducs de Bourbon et d'Alençon, les comtes de Vertus, de Vienne et de Roucy, le sire de Hangest, grand maître des arbalétriers ; Floridas de Moreuil et d'antres grands seigneurs, étaient avec lui. Il envoya son avant-garde, commandée par le duc d'Armagnac, jusqu'auprès du camp des Bourguignons : Jean prit ses dispositions pour combattre les Orléanais ; une action décisive semblait inévitable, mais elle ne put avoir lieu par suite de la révolte d'une partie des troupes du duc de Bourgogne. Le 20 septembre, les Flamands, qui étaient en majorité dans son armée, lui demandèrent congé : ils voulaient s'en retourner dans leur pays, la quarantaine, temps pendant lequel ils étaient tenus de le servir, étant expirée. Le duc eut beau les supplier à mains jointes et tête découverte de rester seulement quatre jours, il ne put rien obtenir. Les Flamands ne s'en tinrent pas à ce refus : ils brûlèrent les faubourgs de Montdidier, chargèrent leurs chariots, et, après s'être mis sous les armes, quittèrent le camp, mettant le feu à leur quartier. Le duc fit sonner la trompette et donner le signal de la retraite, mais il ne sut l'effectuer sans éprouver de grandes pertes ; n'ayant pas eu le temps de faire lever les tentes et de charger les chariots, une grande partie de ses bagages devint la proie des flammes ; le feu qu'avaient allumé les Flamands gagna de proche en proche, et s'étendit jusqu'à son logis. Les Orléanais profitèrent de ce désordre. Pierre des Quennes, seigneur de Gannes, à la tête de deux cents comhattants, vint fondre sur le camp des Bourguignons, tua beaucoup de monde et fit un riche butin ; il entra ensuite à Montdidier, où il mit garnison, puis il rejoignit le duc d'Orléans, qui était encore à Clermont. Voici comment Monstrelet rapporte ce fait :

« Les communes de Flandre qui déjà désiroient moult fort de retourner en leurs pays luy demandèrent congé (au duc) d'eux en r'aller, disant qu'ils avaient servy le terme espace qu'il les avait requis à leur partement du pays de Flandres. De laquelle requeste ledit duc fut fort esmerveillé et desplaisant, et ne leur voulut pas accorder ledit congé ; mais leur requist bien instamment qu'ils le voulsissent servir encore huict jours tant seulement, disant a eux qu'il avait ouy certaines nouvelles que ses ennemis estoient ensemble à grand puissance assez près de lui, prets de le venir combattre, et que jamais a plus grand besoing ne le pouvoient servir. Et estoient à ceste heure venuz devers luy la plus grand partie des capitaines et gouverneurs d'icelles communes pour prendre congé, comme dit est. Lesquels quand ils ouyrent la requeste que leur faisoit si doulcement ledit duc leur seigneur, et pour si peu d'espace furent contens de retourner devers leurs gens et promeirent de faire leur devoir devers eux et de les instruire, affin qu'ils voulsissent accorder la requête dessus dicte. Et quand ils furent retournez en la tente de Gand, où se tenoient leurs conseils, firent assembler très grand nombre de connestables et dizeniers d'icelle commune, ausquels quand ils furent ensemble dirent la responce, et aussi remonstrerent la requête que faisait leur dessus dit Duc c'est a scavoir qu'ils voulsissent demourer huict jours, comme dit est, pour estre avec lui en grand nombre prets pour ce faire. Et adonc quand ils eurent ouy ladite requeste, furent par iceux mises avant plusieurs et diverses opinions et vouloient les uns demourer, et les autres n'en estoient pas contens, et disoient qu'ils avoient servy le temps et espace que leur seigneur leur avoit fort requis, et avec ce, que le temps d'hyver approchoit fort, pourquoy bonnement ne leur estoit pas possible de tenir les champs en si grand nombre qu'ils estoient que ce ne fut a grand dangier. Et pour ce qu'ils furent, comme dit est de diverses opinions, et vouloient les uns demourer et les autres non, ne se purent, accorder ne prendre conclusions, sur quoy les chefs et capitaines peurent rendre responce audit duc de Bourgogne. Et fut iceluy conseil tenu le vingtiesme jour de septembre après disner, et quand ce vint après jour failly ils firent en plusieurs et divers lieux tres grans feux par leur logis, des bois des maisons des faulxbourgs de Montdidier qu'ils avoient deschiré et abbatu. Et commencerent a charger toutes leurs bagues sur leur charroy, et avecques ce s'armerent communement et quand vint droit a minuit tous ensemble par leur logis commencèrent à crier à haute voix, Vax vax. Qui est a dire en francais à l'arme dont et pour lequel cri l’ost fut fort esmeu et par especial le duc de Bourgogne eut grans merveilles quelle chose ils vouloient faire, et envoya aucuns seigneurs de leur langue devers eux pour scavoir aucune chose de leur intention : mais a tous ceux qui y alloient n'en vouloient rien descouvrir, et leur respondoient tout au contraire de leur demande et entre temps la nuict se passa, et au plus tost qu'ils peurent appercevoir le jour feirent atheler leur charroy et boutèrent le feu partouts leur logis.

Et en criant de rechief tous ensemble Gare, gare, se départirent et prendrent leur chemin vers leurs pays.

Lequel cry et clameur ouy par les gens du duc de Bourgogne qui estoit en ses tentes luy allerent tantost noncer. Et adonc tout esmerveillé monta a cheval le duc de Brabant son frère en sa compagnie et alla devers eux. Et la le chapperon osté hors de la teste devant eux, leur pria à mains jointes très humblement qu'ils voulsissent demourer avecque luy jusques a quatre jours, en eux disant et appelans freres compains et amis les feables qu'il eut au monde et en eux promettant grans droits, et par special d'eux donner et quitter perpétuellement tout le colletaige de la comté de Flandres s'ils luy vouloient accorder sa requeste. Ausquels aussi le duc de Brabant pria moult humblement que pour leur seigneur qui les prioit si acertes pour si peu de chose ils voulsissent entendre : mais ce riens ny valut, car tous ensemble faisans la sourde oreille passerent outre, et n'en voulurent riens faire, ainçois que plus est les lettres et couvenances que ledit Duc leur avoit octroyées, lesquelles il avoient apportées devers eux, en les luy remonstrant luy dirent que le contenu en icelles qui estoient scellées de son scél il accomplist, et qu'il les conduit ou fait conduire outre la rivière de la Somme et jusques en lieu seur ; ou se ce non, son seul fils comte de Charrolois lequel avoient à Gand, ils luy rendroient taillé en pièces, et lors le duc de Bourgongne voyant leur sotte et rude manière, et que ce qu'il disoit rien ne luy prouffitoit par belles et doulces paroles les commença à rappaiser et avec eux en faisant sonner les trompettes, commanda à desloger : mais ce ne fut pas sans qu'il y eut grand perte : car ledit duc tendant à rompre la voulente desdits Flamens n'avoit pas fait d'estandre ses tentes ne charger ses charrois. Pourquoy grand partie des dictes tentes furent arses avec d'autres bagues par les dessus dits feux qu'ils avoient bouté en leur logis : lequel de logis en autre saillit jusques au propre lieu ou ledit duc estoit logé, lequel duc estoit tant troublé triste et ennuyé en cueur que plus ne povoit ; car comme dit est, il scavoit ses ennemis en grand triomphe à une journée près de luy et avoit grand désir de les aller combattre, si veoit que par le moyen du deslogis dessusdit, il ne pouvoit venir à son intention. Et qui pis estoit, scavoit véritablement que tantost, ils en seroient advertis, et diroient qu'ils s'en seroient refuis sans les oser attendre. Neantmoins il luy convint souffrir et prendre en patience ou autrement les choses dessus dictes, parce qu'il ne les pouvoit avoir autre... Ainsi et par ceste manière se departirent lesdits Flamens outre la voulente dudit duc de Bourgogne de devant Montdidier ou il les avoit assemblez. Et le propre jour d'iceluy deslogés environ quatre heures après, vint un chevalier nommé messir Pierre de Quesnes, seigneur de Gannes tenant le parti du duc d'Orleans à tout deux cens combattans frapper dedans ledit logis. Auquel il trouva encores grand nombre de gens, et par especial marchans et autres gens du pays desquels il print et tua grand nombre et y gaigna luy et ses gens grand butin. »

Pierre de Fénin, qui raconte aussi la tentative infructueuse du duc de Bourgogne, porte l'armée de ce prince à trente mille hommes, force considérable pour l'époque. La résistance que lui opposèrent les habitants n'en est que plus glorieuse. Le duc de Bourgogne avait une nombreuse artillerie, dont il s'était servi peu de jours auparavant pour s'emparer de la ville de Ham ; mais ce puissant auxiliaire ne put rien contre la valeur de nos ancêtres. Pierre de Fénin s'exprime ainsi à ce sujet :

« Après que Ham eut esté desolé, le duc tira vers Neele, laquelle place fut destruite au passage ; puis il s'en alla loger devant Roye en Vermandois, laquelle place se mit incontinent à son obéissance. De là il s'en alla loger devant Montdidier en grande ordonnance, il avoit à sa suite plusieurs petits charrois, ou y avoit deux petits canons qu'on nommoit ribaudequins, dont il fit clore son ost d'un lez ou bordure tout à l'entour. Quand le duc Jean eut esté bien dix jours logé devant Montdidier, et qu'il s'efforcoit ensuite de passer outre vers Paris, lors les Flamens commencèrent à s'impatienter et se fourmouvoir pour entourner en leur pays, tant qu'il ne fut en la personne du duc de les retenir ; car ils deslogèrent en grand desordre de nuict ; mesme il y eut quantité de leurs tentes bruslées, comme aussi de leur autre bagage. De ce retour fut le duc très irrité, mais les Flamens ne voulurent rien faire pour lui, ains retournèrent en leur pays contre le gré d'iceluy duc, et alloient plus en jour qu'ils n'estoit venus en deux, faisans grans désordres par ou ils passoient : gens sans pitié, n'espargnans ni gentil ni vilain ; et ainsi quand les Picards les trouvoient à leurs dessous, ils leurs faisoient assez de peine. Après que les Flamens se furent retirez en leurs pays, et que le duc Jean fut retourné à Arras, il manda par tous ses gens, et fit une belle assemblée de gentils hommes ; puis s'en alla droit vers Roye en Vermandois, de là à Breteuil, puis à Beauvais et Gisors. »

Suivant l'Itinéraire du duc de Bourgogne, Jean serait resté à son ost près de Montdidier du 22 au 26 septembre ; cette indication ne se rapporte pas avec ce que dit Monstrelet, que ce fut le 20 septembre que les Flamands se révoltèrent et retournèrent dans leur pays. D'après l'Itinéraire, le siége de Montdidier n'aurait duré que quatre jours, du 22 au 26 septembre ; selon Pierre de Fenin au contraire, il se serait prolongé au moins pendant dix jours. Ces divergences n'ont pas une grande importance ; mais ce qu'il y a de positif, c'est que ce fut au mois de septembre 1411 que le duc de Bourgogne assiégea vainement notre ville.

Les Orléanais et les Bourguignons se disputaient constamment le pou-voir, sans jamais être en état de le conserver ; à peine un parti s'en était-il emparé, que l'autre le lui arrachait. Le duc de Bourgogne, que la fortune avait favorisé d'abord, fut ensuite obligé de céder la place à son rival. Il s'était retiré à Lille, après la ruine de la faction des Caboche et la rentrée des Orléanais à Paris, attendant impatiemment un prétexte pour revenir dans la capitale reprendre la direction des affaires ; une prétendue insulte faite au duc d'Aquitaine, son gendre, lui suffit pour recommencer les hostilités.

Le 23 janvier 1413, il écrivit aux villes de notre province afin de les engager à se joindre à lui, et à envoyer les forces dont elles pourraient disposer à Epéhy près Saint-Quentin. Dans le but d'empêcher cette reunion, Charles VI convoqua, le 26 du même mois, ses fidèles sujets de Picardie, ordonnant à tous les gentilshommes du bailliage d'Amiens « de se trouver le 5 février suivant à Montdidier, en armes, prêts et appareillés pour le suivre à Paris, ou partout ailleurs où il leur commandera, leur faisant défense expresse d'entrer au service du duc de Bourgogne. »

De pareils ordres avaient besoin, pour être observés, d'émaner d'un pouvoir assez fort pour châtier ceux qui les enfreindraient. La bataille d'Azincourt (25 octobre 1415), en ruinant l'autorité du roi, rendit ses défenses illusoires. Le duc de Bourgogne devint plus puissant que jamais. Ses partisans se mirent en campagne. Ferry de Mailly prit Hangest et le Quesnel ; Mauroy de Saint-Léger et Jean d'Aubigny pillèrent Lihons ; le seigneur de Sores en Beauvoisis ravagea les environs de Clermont, passa à Montdidier et s'empara de Nesle ; c'était un jour de foire ; il y fit un butin considérable.

De nombreuses bandes armées parcouraient le pays (1416). Elles étaient commandées les unes par des seigneurs de distinction, comme le sire de Saveuse, Jean de Poix, Pierre de Sorel, Jacques de Fosseux, gouverneur d'Artois pour le duc de Bourgogne ; les autres par des aventuriers de bas étage, tels que Jean Bertrand, boucher de Saint-Denis ; Perrin, trompette de Jean d'Aubigny. Des personnes qui, par caractère et par état, auraient dû se tenir à l'écart, se jetaient au milieu de la mêlée et activaient le feu de la guerre. On voit avec peine des ecclésiastiques prendre part aux actes de brigandage de cette époque : le curé de Vaux, par exemple, au lieu de prêcher la paix et la concorde, courait la campagne, le casque en tête et la dague au poing ; une compagnie de fuzelaires ou begaux infestait le pays et commettait des dégâts affreux.

C'était une confusion effroyable. Pour y mettre un ternie, le roi envoya à Noyon et à Nesle Raymonet de la Guerre et Thomas de Larzy, bailli de Vermandois ; ils poursuivirent les Bourguignons à outrance ; tous ceux qui leur tombaient sous la main étaient pendus : « Aucuns grands arbres assez près d'icelle ville en estoient merveilleusement chargés et bordés. »

Cette vigoureuse répression produisit d'excellents résultats : au mois d'août 1416, le Vermandois et le Santerre étaient rentrés sous l'obéissance royale. Au milieu de ces commotions violentes, toute justice avait disparu. Les nobles écrasaient les gens d'Église et le menu peuple ; les prévôts et les officiers du roi n'osaient exercer leurs fonctions ; aucun marchand ne se risquait à sortir des villes, de crainte d'être tué ou rançonné. L'état déplorable dans lequel se trouvait la Picardie explique la facilité avec laquelle nos pères acquiescèrent à la demande que le duc de Bourgogne leur fit en 1417 de se joindre à lui. Comme tous les ambitieux, Jean sans Peur n'était pas avare de belles promesses, et ne manquait pas de raisons très-engageantes pour détourner les villes de l'obéissance qu'elles devaient au roi. Il leur promettait la fin de toutes leurs souffrances, la conservation de leurs priviléges et l'exemption des aides et gabelles ; de semblables moyens ont toujours été couronnés de succès, bien que le résultat n'ait jamais répondu aux paroles de leurs auteurs : il est si naturel de croire à la réalisation de ce que l'on désire, et de chercher, lorsqu'on souffre, un remède à ses maux ! Aussi les places de Picardie ne firent-elles aucune difficulté de répondre à l'appel de ce prince.

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