Histoire de Montdidier

Livre I - Chapitre III - Section IV

par Victor de Beauvillé

Section IV

Raoul de France, comte de Vermandois et de Montdidier

Troubles causés par ses différents mariages

Sceau de ce comte

Raoul II, dit le Jeune

Il meurt de la lèpre

 

Raoul, fils aîné de Hugues de France et d'Adèle de Vermandois, portait dès 1114 le titre de comte. Dans une charte de 1133, rapportée dans du Cange, Histoire des comtes d'Amiens, p. 272, il est qualifié avec Henri, son frère, de futur comte : Radulfo et Henrico per Dei gratiam futuris comitibus. Se fondant sur ce titre, du Cange prétend que, dès 1103, Raoul et Henri gouvernaient le comté de Vermandois avec leur mère : nous pensons que les termes de la charte prouvent le contraire ; l'expression futuris comitibus indique évidemment qu'ils n'avaient encore aucune part à l'administration, et que ce n'était que dans l'avenir, à une époque plus éloignée, qu'ils devaient exercer le pouvoir.

Raoul est connu dans l'histoire sous les noms de Raoul le Vieux, le Vaillant, le Pieux, le Borgne ; nous n'entrerons pas dans l'examen des faits qui lui valurent ces divers surnoms, ils sont étrangers à notre histoire. Il est encore appelé Raoul de Péronne, d'Adèle de Péronne, sa première femme qu'il épousa en 1096, répudia ensuite et fit mourir en prison, à ce que dit D. Grenier. Comme c'est là un point historique fort délicat et que D. Grenier nous paraît être le premier auteur qui ait donné quelques détails sur ce mariage, nous croyons devoir mettre son opinion sous les yeux du lecteur : « Adèle de Péronne était veuve, autant qu'on peut le conjecturer, de Robert, châtelain de Péronne, avec qui elle donna, en 1195, la terre d'Alaines à l'abbaye du mont Saint-Quentin ; Baudouin, évêque de Noyon, confirmant en 1157 la donation d'Adèle, a soin d'observer que la veuve de Robert était la même qui avait été mariée depuis à Raoul, comte de Vermandois. Elle avait épousé le comte de Vermandois en 1096 ou 1097 au plus tard, mariage qui avait apporté au comte la seigneurie directe de Péronne, comme il se voit par le dénombrement de la seigneurie de la Motte-lez-Alaines du 3 mai 1149-50.

« En 1126 elle concourut, comme femme de Raoul et dame de Péronne, à la donation de quelques portions de dîmes situées à Curlu, qui fut faite à l'abbaye Saint-Barthélemy de Noyon ; elle signa l'acte avec son mari et le scella de son sceau, qui offre une dame voilée, portant dans la main droite un lys avec sa tige. Elle participa en 1130 à la fondation de l'abbaye d'Ourscamp. » D. Grenier, à l'appui des faits qu'il avance, renvoie aux Pièces justificatives qui devaient se trouver à la fin de son Histoire de Picardie.

Ni du Cange, ni les auteurs de l'Art de vérifier les dates ne parlent du mariage de Raoul avec Adèle de Péronne ; nous ferons observer que ce dernier recueil est antérieur à la rédaction du travail de D. Grenier, et que c'est après avoir eu sous les yeux l'ouvrage de ses confrères, et avoir pu recourir aux sources et aux pièces originales, que cet annaliste s'est décidé à adopter un avis différent de celui de ses devanciers. Voici ce que disent les Bénédictins : « Raoul donna Péronne en douaire à Adélaïde ou Pétronille de Guienne, sa seconde femme : de là vient que dans quelques chartes, en prenant le titre de comte de Vermandois, il ne lui donne que celui de dame de Péronne : Ego Radulfus comes Viromanduensis et Adelitia, uxor mea domina Peronensis. » Ce sont là deux opinions bien différentes, et, en présence de pareilles autorités, il est difficile de se prononcer pour l'une ou pour l'autre. Les preuves sur lesquelles s'appuie D. Grenier nous paraissent cependant devoir faire pencher la balance en sa faveur ; mais une objection se présente : si Adèle, veuve de Robert, châtelain de Péronne, avait épousé en 1096 ou 1097 Raoul de Vermandois, pourquoi, dans la charte de 1103 qui confirme la donation faite en 1095 par Adèle et par Robert de la terre d'Alaines à l'abbaye du mont Saint-Quentin (du Cange, Histoire des comtes d'Amiens, p. 272), ne voyons-nous pas figurer le nom de cette princesse conjointement avec celui de Raoul, qui aurait été son mari ? Dans cet acte, la comtesse de Vermandois parle de Robert de Péronne et d'Adèle, son épouse, comme de personnes qui lui seraient complétement étrangères ; et cependant en 1103, d'après D. Grenier, Adèle de Péronne aurait été sa belle-fille.

Raoul de Vermandois était bien jeune lorsqu'il aurait épousé Adèle, il aurait eu au plus dix-huit ans ; comment à cet âge, lui, un des plus puissants seigneurs du royaume et membre de la famille royale, aurait-il épousé une femme plus âgée que lui, veuve, et cela seulement pour acquérir la seigneurie de Péronne ?

Le nom de Raoul figure dans plusieurs titres relatifs à notre pays. On a conservé la copie d'un acte passé vers 1130, dans lequel le comte de Vermandois certifie que les cures de Faverolles, Provastre et Mesviller ont été restituées à l'abbaye Saint-Corneille de Compiègne, qui en avait été dépouillée ; le comte s'y dit frère de cette église, comme, dans la charte de 1114, citée à cette page, la comtesse Adèle s'en qualifiait la sœur. Raoul avait hérité de sa mère d'une grande dévotion envers l'abbaye Saint-Corneille ; vers l'époque que nous venons de mentionner, il donna à cette maison la cure de Boiteaux : ce village n'existe plus, il se trouvait entre la ferme du Forestil et la Boissière ; il fut presque entièrement détruit en 1636, lors de l'invasion des Espagnols en Picardie.

Il est question de Raoul dans la bulle d'Innocent II de 1136, qui confirme l'union de l'église Notre-Dame de Montdidier à l'ordre de Cluny. Le consentement du comte de Vermandois est formellement exprimé dans la bulle ; il y est désigné sous le titre de Raoul de Péronne : Rainaldo Rernensi, archiepiscopo atque Radulpho de Perona concedentibus. (Bibl. Clun. , p. 49.) Cette dénomination pourrait favoriser le sentiment de ceux qui veulent que Raoul ait pris ce nom d'Adèle, sa première femme. Suivant les Bénédictins, la première femme de Raoul de Vermandois fut Éléonore, parente de Thibaut, comte de Champagne, qu'il répudia pour épouser, en 1141, Pétronille ou Adélaïde, comme on l'appelait, fille de Guillaume, duc de Guyenne, sœur d'Éléonore, reine de France. Cette union fut cause de grands troubles. Thibaut écrivit au pape Innocent II, pour lui demander justice de l'outrage commis envers un membre de sa famille. Saint Bernard appuya sa plainte. Le souverain pontife nomma un légat qui tint, pour examiner cette affaire, un concile à Lagny (1142). Raoul fut excommunié, ses terres mises en interdit ; Simon, son frère, évêque de Noyon, qui avait prononcé l'annulation de son mariage conjointement avec les évêques de Laon et de Senlis, fut suspendu de la dignité épiscopale. Éléonore étant morte en 1147, Raoul profita de la présence d'Eugène II en France pour se faire relever de son excommunication.

Le 28 septembre 1152, Raoul, étant à Roye, assista à la translation solennelle du corps de saint Florent, patron de cette ville.

Cette pieuse dépouille, renfermée jusqu'alors dans un modeste reliquaire, fut, en présence du comte, déposée dans une châsse précieuse, don de la générosité des fidèles. Raoul survécut peu de jours à cette cérémonie, car il mourut le 14 octobre 1152. Les auteurs de l'Art de vérifier les dates placent son décès au 14 octobre de l'année précédente ; ils diffèrent, sur ce point, d'avis avec du Cange et D. Grenier. La présence du comte de Vermandois à la fête religieuse dont la ville de Roye fut le théâtre en 1152, prouve leur erreur d'une manière évidente ; le décès de Raoul est indiqué dans les nécrologes de Saint-Quentin, de Saint-Fursy de Péronne, de Senlis et de Longpont, comme étant arrivé en 1152. Raoul fut enterré a Saint-Arnould de Crépy, ainsi que l'indique ce passage d'une charte d'Aliénor, sa fille, de l'an 1187, rapportée dans le Gallia christiana, t. X. Inst., p. 223 : Ecclesia beati Arnulfi de Crispeio, in qua pater meus et mater mea tumulati quiescunt.

C'est donc à tort que divers auteurs ont avancé que Raoul avait été enterré dans l'église de Longpont ; l'épitaphe suivante, placée dans les cloîtres de cette abbaye, a pu les induire en erreur :

Hic Radulphe jaces, comes inclite, lausque tuorum ;
Te genus et probitas, te laudat gratia morum ;
Te Deus assumat, decus atque corona suorum :
Hic erit et requies, et vita beata piorum.

Le tombeau élevé à Raoul dans l'église Saint-Arnould ayant été, à ce qu'on assure, détruit par les Anglais lors de l'incendie de Crépy (1431), il est possible que l'inscription que nous venons de rapporter, échappée aux ravages de l'ennemi, ait été transportée à Longpont, lieu de sépulture de plusieurs membres de la famille du comte de Vermandois ; c'est d'autant plus probable que la pierre sur laquelle étaient gravés ces quatre vers ne faisait partie d'aucun monument, et se trouvait simplement enclavée dans le mur du cloître.

Suivant quelques écrivains, Raoul aurait épousé, l'année même de sa mort, Laurence, fille de Thierri d'Alsace, comte de Flandre. Ce mariage donne encore lieu à des contestations généalogiques que nous croyons inutiles de rapporter ; mais un point sur lequel les auteurs sont généralement d'accord, c'est l'avarice du comte de Vermandois ; elle dépassait tout ce qu'il est possible d'imaginer : Avaritie incomparabilis fuit.

Une ancienne chronique, composée par un chanoine de Laon, prétend que Raoul s'empara par force ou par surprise des terres de ses voisins. Il cite Amiens, Péronne (ce qui contredirait l'opinion de D. Grenier), Chauny, Ribemont, etc. , et Montdidier, qu'il aurait usurpé sur une certaine veuve : Hic Radulfus aut dolo aut vi omnes vicinos suos exhœredavit... Montem Desiderii cuidam viduœ. Cette chronique est fautive : Montdidier appartenait au comte de Vermandois par droit d'héritage. Quelle serait cette veuve qu'il aurait dépouillée ? Ce n'est pas sa mère, Adèle, veuve de Hugues de France : ces mots, cuidam viduœ, sont trop vagues et trop peu relevés pour désigner la comtesse de Vermandois. Le chanoine de Laon, qui cite les noms fort obscurs des seigneurs de Péronne, de Chauny et de Ribemont, n'aurait eu garde d'oublier celui de la comtesse Adèle ; il l'eût appelée par son titre et par son nom, et, en parlant de la mère de Raoul, il n'aurait pas employé l'expression familière, cuidam viduœ.

Du Cange pense que cet écrivain a confondu Raoul de Vermandois avec Raoul de Crépy, et il se sert de ces mots, cuidam viduœ, pour justifier son sentiment quant à l'usurpation de Montdidier sur Rothaïs ; mais ce n'est pas au témoignage d'un auteur inexact comme le chanoine de Laon qu'on doit s'en rapporter pour établir l'existence de faits historiques. Cette chronique favorise l'opinion de D. Grenier relativement au mariage de Raoul de Vermandois avec une veuve nommée Aliénor, car elle dit positivement que Raoul épousa une certaine veuve pour avoir son bien ; qu'il la fit mettre en prison et la répudia. Ni la chronique, ni D. Grenier ne disent en quelle année Raoul se serait séparé de sa première femme, où et quand elle serait morte : Pro Aries et terra illi adjacenti, duxit quandam viduam, quam incarceravit et repudiavit. Du Cange (Histoire des comtes d'Amiens, p. 310) prétend qu'au lieu d'Aries il faut lire Roies, et que c'est de la ville de Roye que le chroniqueur a entendu parler. Suivant D. Grenier, au contraire, le mot Aries veut dire Arrouaise, et ce serait pour avoir la terre d'Arrouaise, qui touchait au Vermandois, que Raoul aurait épousé Adèle : nous laissons au lecteur le soin de trancher la question.

Le sceau de Raoul, dont nous offrons la reproduction, a été dessiné d'après l'original provenant de l'abbaye Saint-Victor, à Paris, et conservé aux Archives nationales. Il est de cire rouge, pendant à une lanière de cuir fort épaisse. Raoul est représenté à cheval, revêtu d'une longue cotte de mailles ; un casque pointu, fermé par un nasal, couvre la tête, et ne laisse voir qu'une partie de la figure. Le comte tient de la main gauche un bouclier ovale, et de la main droite une bannière à trois pointes, sur laquelle on croit distinguer quelques traces de fleurs de lis, mais tellement vagues que nous n'avons pas cru devoir les faire reproduire dans le dessin ; le cheval n'est pas caparaçonné. Ce sceau, le seul que nous connaissions, est d'une exécution grossière ; il est assez endommagé ; heureusement le personnage est intact ; une partie de la légende manque, et il ne reste plus que ces lettres : SIGI......NDESSIUM. Vraisemblablement il y avait : Sigillum Radulfi comitis Viromandensium. Point de contre-scel. D. Grenier, qui avait vu le titre primitif de 1130, contenant la restitution faite à l'abbaye Saint-Corneille de Compiègne des dîmes de Faverolles, Provastre et Mesviller ; donne la description du sceau qui était joint à cette pièce ; elle se rapporte exactement à celui que nous avons fait dessiner. D. Grenier dit, sans autre explication, que sur la bannière de Raoul il y avait une figure, se réservant de faire graver le sceau dans son ouvrage. Il ne parle point de contre-scel et ne fait mention d'aucune inscription. Le sceau de Raoul, quelque curieux qu'il soit, aurait encore plus d'intérêt pour nous si le nom de Montdidier s'y trouvait ; mais je n'ai jamais rencontré de sceau du douzième, ni même du treizième siècle, sur lequel ce nom figurât.

Raoul laissa trois enfants, un fils et deux filles, tous issus de son mariage avec Pétronille de Guyenne. Raoul, Élisabeth et Aliénor héritèrent successivement des domaines de leur père, et possédèrent l'un après l'autre le comté de Montdidier. Raoul II, dit le Lépreux ou le Jeune, était en bas âge quand il entra en possession de son patrimoine. Carlier prétend qu'il n'avait qu'un an lors du décès de son père : cette assertion nous paraît hasardée ; D. Grenier la rejette, et cite des lettres expédiées au nom de Raoul II en 1154, et scellées du sceau de ce prince ; or, comme il le fait remarquer, dans ce temps, il fallait être au moins écuyer pour avoir le privilège de sceller ; un enfant d'un an ne pouvait avoir reçu le premier degré de chevalerie.

Raoul le Vieux avait laissé son fils sous la tutelle de Valeran, comte de Meulan, auquel succéda Yves de Nesle, comte de Soissons, personnages de grand sens et de haute valeur, qui défendirent courageusement leur pupille contre les attaques de Robert de Boves.

En 1163, Raoul II confirma la convention passée entre les religieux de l'abbaye Saint-Corneille de Compiègne et Albéric de Roye, concernant le rétablissement du village de Bekegnies (Becquigny), qui était entièrement inhabité : omnino desolatum et incultum. (Pièce just. 4.) D. Grenier, qui a vu l'original de ce titre curieux, dit que le sceau de cire jaune pendant à cette charte est tout à fait semblable à celui de Raoul Ier, que nous avons décrit. Il est fait mention de Raoul II dans la bulle d'Alexandre III, relative au prieuré de Notre-Dame de Montdidier (1173) ; on y rappelle que c'est lui qui, avec l'assentiment d'Yves de Nesle, a donné au prieuré les dîmes d'Épayelles, village réuni aujourd'hui à celui de Courcelles.

Raoul II fut atteint de la lèpre en 1164, et devint par là incapable de gouverner. Philippe d'Alsace, son beau-frère, prit le titre de comte de Vermandois le 4 décembre de la même année, ainsi que cela résulte d'une charte d'immunité qu'il octroie à toutes les maisons de la filiation de Clair-vaux, notamment à Ourscamp.

Selon D. Grenier, Raoul II était lépreux en venant au monde. On l'aurait cru guéri pendant quelque temps ; mais, cette maladie ayant reparu avec des symptômes plus graves, le comte fut séquestré de la société et déclaré mort au monde. Ce fait nous semble douteux. Si Raoul avait été lépreux de naissance, nous ne pensons pas qu'il eût pu trouver à se marier ; pourtant il avait épousé Marguerite, fille de Thierri d'Alsace, comte de Flandre, dont il n'eut point d'enfants. Raoul mourut en 1167, au château de Crépy, où il était né ; son corps, déposé d'abord à Saint-Arnould, fut ensuite reporté à Longpont, où il reçut la sépulture.

Les auteurs sont partagés sur l'époque de sa mort. D. Grenier, s'appuyant sur une inscription conservée dans le Cartulaire de l'abbaye de Longpont, (Bibl. nat., n° 5470), prétend que Raoul est décédé en 1176 ; voici cette inscription : Hic jacent Radulfus junior ejusque soror Elienor, Viromandie ac Valesie comites, Radulfi senioris hujus domus fundatoris, liberi : qui obierunt, Radulfus quidem XV cal. julii MCLXXVI, Elienor autem. II cal. julii MCCXIV. Nous ferons observer que le Cartulaire de Longpont est du dernier siècle, et qu'il est écrit sans aucun soin ; l'inscription rapportée par D. Grenier est transcrite sur un petit morceau de papier que l'on a collé après coup dans l'intérieur du volume ; il pourrait bien se faire qu'il y eût une erreur de copiste ou peut-être du lapidaire ; que l'on ait mis un X de trop, et qu'au lieu de MCLXXVI il faille MCLXVI, ce qui s'accorderait mieux avec l'opinion généralement adoptée sur l'époque de la mort de Raoul II. Les fautes de cette nature ne sont pas rares ; il s'en trouvait une semblable sur le tombeau de Fernel, dans l'église Saint-Jacques de la Boucherie, qui a donné lieu à bien des discussions : les bévues des copistes sont encore plus communes, elles fourmillent.

L'inscription que nous venons de citer était appliquée, dit D. Grenier, au tombeau de marbre que l'on voit à main droite en sortant de l'église de Longpont pour entrer dans le côté du cloître que l'on appelait de la collation ou de la lecture, parce qu'on y faisait la lecture le soir avant que d'entrer à complies.

Colliette conteste l'authenticité de l'inscription sur laquelle se fonde D. Grenier pour placer la mort de Raoul II en 1176, et, d'accord sur ce point avec les anciens auteurs, il la fait remonter à une époque plus reculée : les uns la fixent en 1164 ; d'autres, en 1166, 1167, 1168 ; suivant l'Art de vérifier les dates, elle aurait eu lieu en 1167. Colliette est plus positif ; il précise même le jour du décès, et l'indique comme étant arrivé le 17 juin de cette dernière année : d'après cet historien, Raoul n'aurait eu alors que dix-sept ans seulement.

Élisabeth de Vermandois, sœur de Raoul le Jeune, avait épousé, en 1156, Philippe d'Alsace, fils de Thierri, comte de Flandre ; si nous en croyons Carlier, elle n'avait que six ans lors de ses fiançailles, qui furent célébrées à Beauvais.

D. Grenier soutient, contrairement à l'opinion généralement adoptée, que Philippe d'Alsace n'épousa point Élisabeth de Vermandois à Beauvais en 1156, mais bien trois ans plus tard, en 1159. Il se prévaut « d'une charte de 1159, par laquelle Philippe étant à l'abbaye du Mont Saint-Quentin, où le mariage fut célébré peut-être, constitue le douaire de sa future épouse sur les villes de Saint-Omer, Courtrai, sur Herlebecq et Herci ; témoins l'archevêque de Reims, les évêques de Noyon, de Cambray et d'Arras, les abbés de Saint-Éloi, de Saint-Amand, le comte de Flandre, père de Philippe d'Alsace ; les barons de Vermandois, à la tête desquels était Yves de Nesle, comte de Soissons, stipulant pour la future qui apportait en dot à son mari le comté d'Amiens, à en juger par une charte de l'abbaye de Saint-Jean d'Amiens, de l'année 1161. »

Il serait assez surprenant que tous les auteurs jusqu'à D. Grenier se fussent trompés à cet égard.

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